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élus des gauches. La bataille était bien perdue. Jean-Jacques Weiss avait dit le mot : la République des conservateurs était « une bêtise ». La République devait passer aux républicains.

Ce ne serait pas d’ailleurs sans se modérer par cette expérience même. Les élections avaient montré que, dans l’ensemble du pays, gauche et droite se balançaient à peu de voix et qu’un léger déplacement suffisait pour changer la majorité. Ainsi l’opération manquée du 16 mai a eu des effets durables. D’une part, elle a, jusqu’à nos jours, intimidé les successeurs du maréchal de Mac-Mahon et les a empêchés de se servir de leurs pouvoirs constitutionnels. D’autre part, elle a contenu, jusque dans leur victoire, les républicains qui avaient à craindre qu’un parti de l’ordre ne se reformât contre eux. Enfin le soin qu’ils avaient pris de rejeter sur la droite l’accusation d’être le parti de la guerre les avait conduits à un certain rapprochement avec l’Allemagne. Thiers, qui mourut sur ces entrefaites, en était partisan. Gambetta fut tenté à son tour par les avances de Bismarck qui combattait à ce moment-là les catholiques allemands et qui redoutait leur alliance avec les catholiques français. De ces idées aussi il restera des traces. Il y aura désormais dans le parti républicain des hommes qui pencheront pour une entente avec l’Allemagne et de là d’importantes conséquences sortiront.

L’échec du 16 mai ne changea pas d’abord autant de choses qu’on aurait cru. On revit des ministères du centre gauche. Le maréchal de Mac-Mahon, que Gambetta avait sommé de se soumettre ou de se démettre, était resté à la présidence et ne se démit qu’au mois de janvier 1879 pour ne pas signer la destitution de plusieurs généraux. À sa place, Jules Grévy fut élu. Il le fut surtout contre Gambetta et les radicaux. Avec lui s’installaient la grande bourgeoisie républicaine, les gens de loi et les gens d’affaires. Sa première déclaration fut pour annoncer « une politique libérale et vraiment conservatrice ». Ainsi depuis que la République avait battu et exclu les conservateurs, elle s’appliquait à rassurer les intérêts. Ni réaction ni révolution devenait sa formule. Cependant il y avait déjà en elle des divisions, divisions entre les hommes, les tendances et les doctrines. Aux modérés du centre gauche, aux opportunistes du groupe de Gambetta, aux radicaux héritiers des