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de prendre une attitude agressive et de multiplier les incidents. Au mois de mai 1875, alléguant que notre réorganisation militaire était dirigée contre l’Allemagne, il annonça son dessein « d’en finir avec la France ». Cette fois, la Russie d’abord, l’Angleterre ensuite firent savoir à Berlin qu’elles ne permettraient pas une agression. La « vieille Europe s’était réveillée », disait le duc Decazes, qui avait su provoquer ces interventions diplomatiques. Il n’en est pas moins vrai que nous avions été ou paru être à deux doigts de la guerre au moment où la campagne républicaine grandissait. Elle en reçut une impulsion redoublée. Dans les masses françaises, surtout dans les masses rurales, l’accusation portée contre le gouvernement conservateur d’être un danger pour la paix produisit un effet immense. Le parti républicain, conduit par Gambetta, délaissa sa tradition belliqueuse, comme Thiers, dès 1871, le lui avait conseillé. Ce fut contre les conservateurs qu’il retourna l’accusation d’être le parti de la guerre. Et pourtant l’alerte de 1875 sera suivie de bien d’autres alertes, depuis l’affaire Schnæbelé jusqu’à 1914. On ne tardera pas à voir que l’Allemagne en veut à la France elle-même, et non à ses gouvernements, de même qu’elle avait montré en 1870 que ce n’était pas l’Empire qu’elle attaquait.

Les conservateurs se trouvaient en tout cas dans de mauvaises conditions pour garder le pouvoir. Ils avaient fondé la République, et la République devait être républicaine. Elle était désormais un régime régulier, et elle bénéficiait de ce respect pour l’ordre de choses établi qui avait déjà maintenu l’Empire. En essayant de lutter contre le courant qui entraînait la République vers la gauche, les conservateurs achevèrent de se perdre devant le corps électoral, parce que ce furent eux qui parurent chercher un bouleversement. Ils avaient cru à leur combinaison provisoire, qui ménageait une révision en 1880, à la fin du Septennat. Ils s’aperçurent à leurs dépens qu’ils avaient, pour une masse de Français, créé quelque chose de définitif.

L’Assemblée prit fin après l’entrée en fonctions du Sénat, dont les membres étaient alors en partie inamovibles et nommés par l’Assemblée elle-même. Le Sénat eut ainsi une majorité conservatrice. Mais, le 20 février 1876, les élections législatives, après une ardente campagne de Gambetta contre le