Parmi les conditions que Bismarck avait posées, il en était une qui était grave, et c’était la seule qui ne lui rapportât rien. Il avait exigé pour les troupes allemandes une entrée solennelle dans Paris. Rien n’était plus propre à surexciter les Parisiens, après les souffrances et l’énervement du siège, dans le trouble dont était frappée la vie de cette immense cité. L’explosion révolutionnaire qui s’y préparait était mêlée de beaucoup d’éléments. L’humiliation du défilé, bien que limité aux Champs-Élysées et d’une durée de quelques heures seulement, compta parmi les causes de la Commune. Presque tous les députés de Paris avaient voté contre la paix. Paris était pour la République, pour la guerre révolutionnaire. Paris était hostile à cette Assemblée de « ruraux » dont les sentiments conservateurs et pacifistes étaient si différents des siens. Les traditions de 1793, les souvenirs de 1830 et de 1848 n’avaient pas disparu : les débuts de Delescluze, un des chefs de la Commune, dataient des journées de Juillet. La Révolution « patriote » s’associait d’ailleurs bizarrement à l’Internationale socialiste, la vieille conception jacobine de la Commune à des idées de fédéralisme communal fort éloignées de la République une et indivisible. Le fonds général, c’était l’esprit d’émeute dans une population qu’on avait armée pour le siège et qui avait gardé ses armes, parce que le gouvernement n’avait eu ni la volonté ni la force de les lui enlever.
L’insurrection que l’on voyait venir commença le 18 mars lorsque l’ordre eut été donné de reprendre les canons de la garde nationale. Mais une autre circonstance s’était produite et elle donne à ces événements une curieuse ressemblance avec ceux de la Révolution. L’Assemblée, d’abord réunie à Bordeaux, avait décidé de siéger, non dans la capitale dont l’agitation était redoutée, mais à Versailles, comme les états généraux de 1789. On avait même proposé Bourges ou Fontainebleau. Cette marque de méfiance fut interprétée à Paris comme l’annonce d’une restauration ou d’un coup d’État. Une grande partie des gens paisibles avait déjà quitté la ville, remplie d’une masse oisive et armée où affluaient aussi des aventuriers de toute sorte. Quant aux forces régulières, il était inutile de compter sur elles pour maintenir l’ordre. Elles existaient à peine et leur esprit était mauvais : celles qui furent envoyées