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l’Europe. Partout il essuya des refus. Personne alors ne voyait le danger d’une grande Allemagne et, au fond, personne n’était fâché d’une diminution de la France. La Russie profita même de notre désastre pour défaire ce que la guerre de Crimée et le congrès de Paris avaient fait : elle retrouvait la possibilité de reprendre, en Orient, sa politique contre la Turquie. Thiers revint de sa tournée dans les capitales européennes convaincu qu’il n’y avait plus qu’à demander un armistice. D’ailleurs, en même temps que cet échec diplomatique, un grave événement s’était produit. L’armée de Metz avait capitulé le 27 octobre. Bazaine, qui la commandait, avait cru qu’en gardant ses cent cinquante mille hommes, la dernière force militaire qui restât à la France, il serait l’arbitre de la situation et qu’il pourrait négocier la paix au nom de l’Empire. Bismarck l’entretint dans cette idée par une savante intrigue jusqu’au jour où il eut obtenu la reddition sans combat de la seule de nos armées qui comptât encore. En 1873, Bazaine sera condamné pour trahison.

Dans Paris investi de toutes parts, la nouvelle de la reddition de Metz, les bruits d’armistice, l’échec de quelques sorties tentées par les assiégés, tout énervait, tout aigrissait la population qui commençait à souffrir de la rareté des vivres. La « fièvre obsidionale » favorisait l’agitation révolutionnaire. Déjà, plusieurs manifestations avaient eu lieu pour réclamer des élections immédiates, municipales et législatives. Le mot de Commune avait été prononcé. Le 31 octobre éclatait une insurrection véritable à la tête de laquelle était Blanqui, vétéran de l’émeute. Le gouvernement, un moment prisonnier dans l’Hôtel de Ville, fut dégagé, non sans peine. C’était l’annonce des troubles prochains.

L’hiver de 1870-1871 fut rude, et cette année-là est restée longtemps dans le souvenir des Français comme « l’année terrible ». Les armées de secours, les armées de « mobiles » levées à la hâte pour délivrer Paris, furent battues l’une après l’autre. L’armée de la Loire, après un succès à Coulmiers, dut reculer devant les forces allemandes que la reddition de Metz avait libérées et fut poursuivie jusqu’au Mans. Une sortie de la garnison parisienne, destinée à donner la main aux armées de province, fut repoussée à Champigny. Tour à tour, Chanzy dans