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Mexique pour appuyer la réclamation des créanciers de ce pays dévasté par une révolution, l’empereur avait été séduit par l’idée d’y fonder une monarchie dont le souverain serait un Habsbourg, l’archiduc Maximilien, frère de François-Joseph. Les plus dangereuses des conceptions napoléoniennes se rattachaient à une idée centrale. Il s’agissait toujours d’obtenir à l’extérieur un succès capable de plaire à l’imagination des Français. Il s’agissait toujours de satisfaire une fraction de l’opinion publique. Après l’expédition de Syrie, pour y protéger les chrétiens, l’expédition du Mexique détournerait peut-être les catholiques français de penser à Rome. L’empereur d’Autriche, dont le frère recevait une couronne des mains de la France, serait peut-être disposé à céder la Vénétie sans combat. Mais le Mexique dévora des hommes et de l’argent. En 1866, nous y avions sans résultat affaibli notre armée, et bientôt Maximilien, abandonné de la France, était fusillé par les Mexicains qui ne l’avaient jamais reconnu.

Ce n’est pourtant pas la raison qui empêcha Napoléon III d’intervenir en Allemagne lorsque, comme un « coup de foudre », éclata la nouvelle que l’armée autrichienne avait été battue par la Prusse à Sadowa. Mais il était lié de toutes parts, lié avec la Prusse depuis l’entrevue de Biarritz, et, par tout son système, lié avec l’Italie qui était battue à ce moment même par les Autrichiens en essayant de libérer Venise. Si la France arrêtait les succès de l’armée prussienne, elle prenait parti pour l’Autriche contre l’Italie et pour l’état de choses créé en Allemagne par les traités de 1815. L’empereur se fût donc interdit les compensations qu’il espérait. De plus, le public, qui avait applaudi la guerre de Crimée contre le tsar et la guerre d’Italie contre les Habsbourg, se réjouissait de la victoire prussienne de Sadowa comme d’une victoire du libéralisme et n’eût pas compris la volte-face du gouvernement impérial.

Pourtant, c’est dans l’opinion que le retournement fut le plus rapide. Quand on s’aperçut que la Prusse s’agrandissait en Allemagne, annexait le Hanovre, préparait des conventions militaires avec les États allemands du Sud que nous n’avions pas secourus et qui se livraient maintenant à leurs vainqueurs, quand on vit que Bismarck, au