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l’élection des députés au suffrage universel et direct, mais avec la candidature officielle qui désignait les candidats agréables au gouvernement et leur assurait la quasi-totalité des sièges. Si, aux institutions de l’an VIII, le régime parlementaire se superposait aussi bien que la dictature, c’était à la dictature qu’on était retourné. Un an plus tard, après une rapide préparation et un voyage à travers la France où il avait été reçu comme un souverain, Louis-Napoléon annonçait son intention de rétablir l’Empire héréditaire et de prendre le nom de Napoléon III. Le 21 novembre 1852, un nouveau plébiscite l’approuvait à une majorité encore plus écrasante que l’année précédente. Le peuple français avait adopté l’Empire autoritaire par 7 880 000 oui contre 250 000 non. L’opposition ne comptait plus. Les républicains avancés étaient en exil. Ceux qui restaient, effrayés par les mesures de rigueur et les déportations qui avaient suivi le 2 décembre, étaient réduits au silence. Victor Hugo, réfugié à Guernesey, écrivait les Châtiments, mais se voyait bientôt seul à « braver Sylla ». Aux élections de 1857, il n’entrera encore qu’une poignée d’opposants au Corps législatif, les Cinq. La pression administrative, l’action des préfets, l’intimidation contribuaient pour une part à cette docilité du corps électoral. Pourtant l’acquiescement des masses rurales et de la bourgeoisie à ce régime dictatorial était spontané. Napoléon III avait donc eu raison de se fier au suffrage universel. Il restait seulement à donner au pays des satisfactions matérielles et morales. Il restait à gouverner.

Depuis son élection à la présidence de la République jusqu’au rétablissement de l’Empire, ce qui avait le mieux servi Napoléon III, c’était, avec l’éclat de son nom, l’idée de l’autorité et de l’ordre. Ce qui aurait dû lui nuire, c’était l’idée de la guerre, attachée au nom napoléonien. Mais, pendant la deuxième République, les Assemblées, modérées ou conservatrices, avaient suivi en Europe une politique fort peu différente de celle de Louis-Philippe. Le programme commun des libéraux et des bonapartistes de la Restauration, celui des insurgés de 1830 et de 1848, abolition des traités de 1815, frontières naturelles, délivrance des nationalités opprimées, Lamartine et ses successeurs l’avaient laissé en sommeil. Sous la présidence de Louis-Napoléon, il n’y avait eu d’autre