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ne réussirent pas à s’entendre, ce qui eût été facile, puisque le représentant de la branche aînée des Bourbons n’avait pas de fils et ne devait pas en avoir, mais encore ils fournirent des armes au Prince Président. Ce qui préoccupait surtout ces conservateurs, c’était la crainte des révolutionnaires. Ils avaient beau former une majorité considérable, ils étaient obsédés par la peur des « rouges ». Une élection partielle, qui ramena quelques députés au parti qui s’appelait, par une évocation de 1793, le parti de la Montagne, députés élus à Paris surtout, épouvanta l’Assemblée. Elle s’en prit au suffrage universel. Thiers, devenu réactionnaire au milieu de ses nombreux avatars, parla de la « vile multitude ». Après la loi du 31 mai 1850, qui excluait trois millions d’électeurs, la politique du Prince Président fut toute tracée : élu du plébiscite, il se présentera comme le défenseur et le restaurateur du suffrage universel. C’est lui désormais qui traita comme une quantité négligeable une Assemblée inerte, flottant entre la monarchie et la république, tandis qu’il préparait l’Empire. Déjà il avait pris ses ministres en dehors d’elle, il se constituait un parti, se montrait en France, flattait et se conciliait l’armée qui, à l’élection présidentielle, avait voté moins pour lui que pour le général Cavaignac. Déjà, avec Persigny et Morny, il méditait un coup d’État. Il s’y décida quand l’Assemblée eut refusé de réviser la Constitution dont un article interdisait que le président fût réélu. Le coup d’État du 2 décembre 1851 fut une opération réactionnaire, mais dirigée contre une Assemblée monarchiste pour lui enlever le bénéfice de la réaction, exécutée avec l’aide de l’armée et précédée d’avances aux démocrates à qui le Prince Président promit une amnistie et le rétablissement du suffrage universel.

Les invectives dont les républicains ont couvert le 2 décembre font oublier que l’Assemblée qui fut chassée par la force et dont les membres furent arrêtés pour la plupart était une Assemblée monarchiste. S’il n’y avait eu le règne de Napoléon III, il aurait dû y avoir celui d’Henri V ou de Louis-Philippe II. À lire les Châtiments de Victor Hugo et l’Histoire d’un Crime, on croirait que le Prince Président a étranglé la République. À la vérité, il étouffait une monarchie au berceau. Seulement cette monarchie eût été représentative, tandis