Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/662

Cette page n’a pas encore été corrigée

une campagne commençait pour l’extension du droit de suffrage, droit réservé à la bourgeoisie riche, réclamé maintenant par les intellectuels, ce qu’on appelait les « capacités ». Attaqué tous les jours pour sa politique extérieure, ne regardant qu’une Chambre où il avait la majorité, Guizot ne se souciait pas d’accroître l’opposition par les voix de ceux qui représentaient particulièrement l’opinion libérale et belliqueuse. Il ne songeait pas à l’antidote, au suffrage universel, au concours qu’une politique de paix eût trouvé dans les masses paysannes. L’impopularité de Guizot auprès de la bourgeoisie et dans la population parisienne fut causée en premier lieu par son attitude à l’extérieur. Il l’accrut par son hostilité à la réforme électorale. Louis-Philippe ne consultant que la Charte, gardait un ministre que la Chambre ne renversa pas, comme Charles X, invoquant l’article 14, avait gardé Polignac. De même encore que la Révolution de 1830, celle de 1848 éclata et réussit par surprise, et ce furent aussi des bourgeois qui travaillèrent à la chute de la monarchie constitutionnelle, créée par eux à leur image. Une campagne pour la réforme électorale avait commencé sous la forme inoffensive de banquets où des paroles de plus en plus séditieuses étaient prononcées : Lamartine, à Mâcon, annonçait « la révolution du mépris ». Un de ces banquets, ayant été interdit à Paris, donna lieu à une manifestation que les chefs de la gauche, effrayés, s’efforcèrent vainement de prévenir : la foule parisienne leur échappait déjà. Cependant, contre l’émeute qui grondait, le gouvernement n’avait pas pris de précautions extraordinaires. Pour se défendre et pour défendre le régime, il comptait surtout sur la garde nationale. Mais tandis que des barricades se dressaient le 22 février, les légions de la garde se rendaient à leurs postes en criant : « Vive la Réforme ! » Les gardiens de l’ordre, au lieu de combattre l’émeute, la renforçaient. Quand Louis-Philippe, éclairé sur les dispositions de sa bourgeoisie, qu’il s’était obstiné à croire fidèle, se décida à remercier Guizot, il était trop tard. L’insurrection, laissée libre, avait grandi. Pour lui tenir tête, la troupe restait seule et elle n’était pas suffisante. Une fusillade boulevard des Capucines, devant le ministère des Affaires étrangères, celui de Guizot, tua une quinzaine d’insurgés et la