Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/655

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une Chambre dont les portes s’ébranlaient sans vouloir s’ouvrir ni même s’entr’ouvrir. » Le produit du suffrage censitaire, d’un suffrage restreint qui ne voulait rien céder de son privilège d’argent, c’étaient surtout des rivalités de personnes, d’âpres conflits pour la conquête du ministère. En quelques années, les hommes se succédèrent, ambitieux de briller, Broglie après Guizot, Thiers après Broglie, tous ceux qui avaient contribué à la chute de l’autre monarchie parce qu’ils n’y trouvaient pas leur place assez belle, qui avaient donné pour devise et mis comme condition à la monarchie nouvelle : « Le roi règne et ne gouverne pas. » Après six ans de cette instabilité dangereuse, Louis-Philippe entreprit de corriger les effets du régime parlementaire et de gouverner lui-même par des hommes de confiance. La dernière expérience d’un cabinet désigné par la majorité fut celle de Thiers en 1836. Converti à l’idée de la conservation, non seulement en France mais en Europe, Thiers tenta avec l’Autriche un rapprochement qui serait couronné par le mariage du duc d’Orléans avec une archiduchesse. Le refus de la cour de Vienne fut pour Thiers comme un échec personnel qui le rejeta vers le libéralisme. Changeant de fond en comble sa politique, il était prêt à entrer en conflit avec Metternich pour intervenir en faveur des libéraux espagnols, lorsque, toujours soucieux de maintenir la paix, Louis-Philippe l’arrêta. Thiers, à son tour, tombait. Alors le roi appela au ministère un homme à lui, Molé, qui recevrait ses directions. Ce qu’on appela tout de suite le gouvernement personnel commençait et l’opposition systématique, celle qu’avaient connue les Bourbons de la branche aînée, commença aussi. Six ans après les barricades, on en était là.

Par une curieuse rencontre, cette année fut celle où parut un homme qui devait un jour gouverner la France bien plus personnellement que Louis-Philippe, et avec l’assentiment du pays. Le Roi de Rome, devenu duc de Reichstadt, était mort en 1832, et l’héritier du nom napoléonien était un neveu de l’empereur, fils de Louis, roi de Hollande, et d’Hortense de Beauharnais. Qui aurait cru à l’avenir politique de Louis-Napoléon Bonaparte, jeune homme obscur, dont l’existence était à peine connue ? Lorsqu’il essaya, en 1836, de soulever la