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pas à celle des Bourbons de la branche aînée, de multiples concessions à l’opinion libérale et anticléricale n’avaient pas suffi. Aux pillages d’églises, au sac de l’archevêché, avaient succédé des insurrections véritables. Le feu de 1830 n’était pas éteint. L’enterrement du général Lamarque fut pour les républicains et les bonapartistes, toujours réunis, l’occasion d’une prise d’armes. Presque en même temps, la duchesse de Berry avait essayé de soulever la Vendée : les légitimistes seraient aussi irréconciliables que les révolutionnaires. À Lyon, une première insurrection, de caractère socialiste, avait été réprimée. Une autre, beaucoup plus grave, éclata, en 1834, fut écrasée à son tour, non sans un vif retentissement à Paris, où la Société des Droits de l’Homme souleva ses adhérents. On vit alors ce qui devait se reproduire aux journées de Juin et sous la Commune : la colère de la bourgeoisie menacée, la fureur de la garde nationale qui, jointe à l’armée régulière, ne fit aucun quartier. Les insurgés furent abattus comme des malfaiteurs.

Le « massacre de la rue Transnonain », dont le souvenir est resté longtemps, annonçait des guerres sociales où la classe moyenne se défendrait avec énergie. Cette réaction, violente et spontanée, ne fut pas sans influence sur la monarchie de Juillet. Le régime aussi se défendit, s’éloigna de plus en plus de ses origines révolutionnaires, de même que les bourgeois français, malgré leurs opinions libérales, avaient montré leur aversion pour le désordre. La monarchie de Juillet se mit alors à poursuivre les républicains, à punir leurs complots, comme sous Louis XVIII. En 1835, l’attentat manqué de Fieschi contre le roi justifia de nouvelles mesures de répression. Comme après l’assassinat du duc de Berry, la liberté de la presse fut limitée.

Cependant cette bourgeoisie, résolue à se défendre était elle-même indisciplinée. Les Chambres qu’elle élisait, qui ne représentaient que les riches, n’étaient pas plus raisonnables que celles de la Restauration. La bataille des ambitions et des partis, la fronde contre le pouvoir y furent ce qu’elles avaient été. Parlant plus tard de 1848, Sainte-Beuve écrivait : « Il resterait toujours à examiner si la catastrophe n’a pas été provoquée par ces luttes obstinées et retentissantes à l’intérieur