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Orient. Par une entente avec la Russie, en lui abandonnant les Balkans et l’Empire turc, la France pouvait reprendre la rive gauche du Rhin, peut-être réunir la Belgique. Quelle qu’ait été la valeur de ce plan, dangereux par bien des côtés, c’était, en somme, celui qu’avait écarté Villèle. Il échoua par le refus de la Prusse, toujours jalouse d’un agrandissement de la France, et qui, prévenant Charles X, avait déjà lié partie avec le tsar contre l’Autriche, hostile, de son côté, aux accroissements de la Russie.

Charles X et Polignac eussent-ils réussi dans leur vaste combinaison qu’ils n’auraient pas été certains de désarmer leurs adversaires de l’intérieur. Ils auraient toujours trouvé une surenchère. Une nouvelle opposition avait grandi, presque ouvertement antidynastique. Ce n’était plus, comme sous Louis XVIII, à des complots qu’elle recourait. Elle s’adressait à l’opinion par une campagne de journaux que Thiers dirigeait dans le National, titre qui valait un programme, nationalisme et libéralisme étant alors une seule et même idée. On feignait de défendre la Charte contre le roi. Surtout, pour ne pas effrayer par la menace d’un retour à la République ou à l’Empire, on rappelait la révolution anglaise de 1688 et la substitution de Guillaume d’Orange aux Stuarts, on suggérait un simple « changement de personne ».

Le ministère Polignac avait été formé en l’absence de la Chambre. Quand, le 2 mars 1830, la session s’ouvrit, la Chambre demanda clairement, par son adresse au roi, le renvoi du cabinet, c’est-à-dire ce qu’avait déjà demandé la « Chambre introuvable », le gouvernement de la majorité. La Chambre « mettait le roi au pied du mur ». Il répondit par la dissolution. Aux élections qui eurent lieu en juin et juillet, la bourgeoisie censitaire renvoya, sur 428 élus, 274 partisans de l’Adresse. Ces élections ne troublèrent pas Charles X. S’il ne pouvait annoncer que la France avait retrouvé la Belgique et la rive gauche du Rhin, il apportait une compensation brillante : la prise d’Alger, préface de la conquête de l’Algérie, résolue dès le mois de mars, malgré les remontrances de l’Angleterre. Le 5 juillet, nos troupes étaient maîtresses d’Alger : les électeurs avaient été insensibles à cette nouvelle. Pourtant Charles X et Polignac se crurent assez forts de leur succès