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militaire tourmentait une partie des Français et les entraînait vers le libéralisme. Néanmoins il résistait aux aventures où le poussaient, non seulement des royalistes, tels que Chateaubriand, mais le tsar Alexandre qui, volontiers, pour se payer des services qu’il avait rendus à la France en calmant les exigences des autres alliés, nous eût entraînés à sa suite en Orient. La seule entreprise extérieure à laquelle Louis XVIII se décida fut, en 1823, pour intervenir en Espagne, y mettre fin à une révolution et rétablir Ferdinand VII, c’est-à-dire pour continuer la politique par laquelle nous avions jadis établi un Bourbon à Madrid, afin que l’Espagne ne tombât pas sous une influence ennemie. Cette expédition, conduite avec assez d’adresse pour ranger de notre côté une large partie des Espagnols, fort peu coûteuse par conséquent, et qui contrastait si fort avec les insuccès de Napoléon dans le même pays, rendit confiance et courage à la nation et à l’armée réconciliée avec le drapeau blanc.

On avait dit, après la prise du Trocadéro, que, cette fois, la « Restauration était faite ». Louis XVIII n’avait peut-être échoué que sur un point : quand il avait cru, par la Charte, donner à la France le régime des assemblées tel qu’il existait en Angleterre, laissant la monarchie et le souverain en dehors et au-dessus des partis. Ce n’était pas ainsi que la bourgeoisie française concevait et conduisait les luttes parlementaires, et son invincible penchant était d’y mêler le roi. Louis XVIII avait déjà pu mesurer son illusion. Plus gravement, son successeur allait l’éprouver.

Plus séduisant que Louis XVIII, moins prudent aussi, son frère, le comte d’Artois, Charles X, ne savait pas comme lui attendre. Il souffrait, il s’impatientait du reproche que les libéraux adressaient à la monarchie, et qui était leur arme la plus efficace, d’être rentrée dans « les fourgons de l’étranger », de supporter les honteux traités de 1815. Effacer ces traités dans toute la mesure du possible, donner de la grandeur et de la gloire à la France, ce fut l’idée dominante de Charles X. Il crut par là désarmer une opposition dont il n’apercevait pas le caractère « systématique ». Il venait alors une génération nouvelle qui n’avait pas vu la Révolution, à peine l’Empire, dont le souvenir se transfigurait et se poétisait avec le recul des