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resté fidèle à Napoléon, et dont la Prusse, sous ce prétexte, voulait garder le royaume. L’indépendance de la Saxe garantissait l’indépendance des autres États germaniques et, dans la mesure du possible, après les simplifications que Napoléon avait opérées en Allemagne, restaurait le traité de Westphalie. En échange de la Saxe, qu’il désirait avidement, parce qu’elle aurait fait de son territoire un tout homogène, le roi de Prusse reçut les provinces rhénanes dont il ne voulait pas, parce qu’elles étaient éloignées du centre de l’État prussien, séparées de lui par d’autres États allemands, et difficilement assimilables par un pays protestant, étant catholiques. De nos jours, on reproche encore à Talleyrand d’avoir installé la Prusse à nos portes. « Rien, répondait-il, ne serait plus simple, plus naturel, que de reprendre ces provinces à la Prusse, tandis que si elles eussent été données en dédommagement au roi de Saxe, il serait difficile de l’en dépouiller. »

Un an à peine s’était écoulé depuis que les Alliés étaient entrés à Paris, et la situation de la France en Europe était rétablie au-delà de tout espoir. Le service qu’on attendait des Bourbons, ils l’avaient rendu. La preuve en était dans la déception de nos ennemis les plus haineux qui étaient les Prussiens. Le nationalisme germanique, tiré d’un long sommeil par les principes de la Révolution, puis soulevé contre la domination napoléonienne, avait rêvé d’une grande Allemagne, étendue jusqu’aux Vosges, unie par le pays de Frédéric et des patriotes réformateurs et libéraux qui avaient préparé la guerre de l’Indépendance. Et l’Allemagne restait divisée, à l’état de Confédération où l’Autriche était le contrepoids de la Prusse, aussi semblable à l’ancien Empire germanique qu’elle pouvait l’être après les remaniements territoriaux de Napoléon.

Et la France ? Appréciait-elle cette espèce de miracle de l’art politique qui lui avait permis d’échapper à l’alternative du partage ou de l’asservissement ? Ce redressement, on ne l’a compris, admiré que plus tard, après de plus dures épreuves. C’est seulement à la suite du traité de Francfort que l’histoire a réhabilité le traité de Vienne. Insensible aux avantages obtenus, à des calculs qui dépassaient l’entendement des foules et qu’on ne pouvait expliquer tout haut sans en compromettre