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profiter de ces différents incidents pour éloigner autant qu’il sera possible les délibérations sur le point de l’armement, sans qu’il paraisse qu’il en craigne la résolution. Il doit éviter dans cette même vue d’en parler le premier : mais lorsque l’occasion se présentera d’agiter naturellement avec les députés des princes de l’Empire ce qui peut convenir à leurs maîtres après la paix, il pourra, sous prétexte d’examiner pour leur propre bien l’utilité ou les inconvénients de cet armement, leur faire voir qu’ils n’ont présentement rien à craindre de la part de Sa Majesté.

« Mais il doit se servir de ces raisons sans affectation ; et comme Sa Majesté ne doute pas qu’il n’observe avec beaucoup d’attention les différents mouvements de la Diète, il trouvera des conjonctures heureuses pour éloigner, par le seul embarras des affaires qui naîtront, toutes les propositions qui pourraient être contraires au maintien de la paix. »

Nos arrière-neveux connaîtront peut-être des instructions fort semblables données par Guillaume II à ses ambassadeurs à Paris pour faire rejeter par notre Parlement des crédits militaires. S’acquérir des partisans à la Diète de Ratisbonne devint toute de suite l’habitude de la diplomatie française, une tradition fidèlement transmise par les « académiciens du cabinet ». En 1726, Chavigny emportait ces recommandations spirituellement discrètes en se rendant à Ratisbonne

« Il entrera parfaitement dans les vues de Sa Majesté, s’il sait s’acquérir de telle sorte la confiance de quelques-uns des principaux ministres de cette Assemblée qu’il puisse être instruit par eux de tout ce qui s’y passera et profiter des ouvertures et des moyens qu’il trouvera d’avancer, retarder ou empêcher, par des représentations qu’il saura faire à propos, les différentes résolutions suivant qu’elles pourront être conformes ou contraires aux intentions de Sa Majesté. Bien entendu qu’il évitera de paraître jamais l’auteur de ces sortes de mouvements car il suffirait que l’origine en fût connue pour que les effets contraires eussent lieu. »

Il ne faut pas que le plénipotentiaire du roi de France puisse être accusé de ne s’occuper, à Ratisbonne, « qu’à fomenter la division qui se fait déjà remarquer dans l’Empire. » En réalité, il ne se rend pas à son poste pour autre chose. Il va exploiter l’anarchie germanique et veiller à ce que le système établi par la paix de Westphalie ne soit pas altéré. Par une suprême précaution qui couronne l’édifice, le roi de France s’est réservé, en effet, la garantie des traités de 1648. Cette Charte de l’Alle-