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tions de la Diète lui proposait la solution des problèmes les plus difficiles, les plus irritants, dont chacun devait provoquer des conflits et des disputes, particulièrement en matières de finances, et d’impôts. Selon le calcul de ses inspirateurs français, la Diète germanique fut le conservatoire de l’anarchie allemande. « Qu’y fait-on, sinon contre dire et chicaner à la façon des maîtres d’école ? » s’écriait Leibnitz. Et un autre écrivain politique allemand de la même époque disait, avec ironie, du parlement de Ratisbonne « Il serait curieux de savoir ce qu’un si grand nombre de députés a fait depuis tant d’années à la Diète, et à quoi ont servi tant de grands repas et tant de vin d’Espagne qu’on boit le matin, et tant de vin du Rhin qu’on boit le soir. La vérité est qu’ils travaillent à une matière inextricable, et qu’après s’être longtemps évertués pour rien, ils peuvent jurer qu’ils n’ont pas été sans rien faire. » D’autres Allemands, ils étaient très rares, chez qui survivait une flamme de patriotisme, une certaine notion de l’Intérêt national, déploraient ce funeste régime parlementaire qui, selon le mot de l’un d’eux, plongeait l’Allemagne dans « une nuit éternelle ». En effet, comme un historien l’a écrit, l’étranger s’empressa tout de suite « d’exploiter, avec la connivence des intéressés, les vices de l’institution ».

Le roi de France s’était réservé le droit, exorbitant à bien y penser, d’être représenté à la Diète d’Empire par un plénipotentiaire dont la vraie mission était de surveiller les travaux de l’Assemblée, d’y nouer des intelligences, d’en faire tourner les discussions au profit de l’État français. Le recueil des instructions diplomatiques données sous l’ancien régime à nos ministres auprès de la Diète germanique est d’une grande clarté sur ce point : il s’agit d’employer le régime parlementaire allemand dans l’intérêt de la France. C’est un système sur lequel notre diplomatie n’a eu ni un scrupule ni un doute. En 1698, par exemple, on appréhende à Paris que la Diète n’accorde un accroissement de forces militaires à l’Empereur. M. Rousseau de Chamoy, partant pour Ratisbonne, reçoit ces instructions :

« Les délibérations de la diète de Ratisbonne sur les affaires les plus importantes sont ordinairement traversées par tant d’incidents de peu de conséquence qu’il sera de l’habilité du sieur de Chamoy de