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la Russie était languissante. Le partage de la Turquie était abandonné. Napoléon ne pouvait laisser aux Russes ce qu’ils désiraient le plus ardemment, c’est-à-dire Constantinople, qu’ils ne pouvaient pas davantage lui accorder. En 1808, à l’entrevue d’Erfurt, renouvelant celle de Tilsit, les deux empereurs, devant un « parterre de rois », se prodiguèrent les marques d’amitié. Napoléon permit à Alexandre de s’emparer de la Valachie et de la Moldavie (la Roumanie actuelle), alors provinces turques. Sur la demande du tsar, il consentait encore à évacuer une grande partie de la Prusse, évacuation que l’insurrection espagnole et les prélèvements de troupes qu’elle exigeait rendaient d’ailleurs nécessaire : la limite de nos forces commençait à être atteinte. Cependant l’Autriche reprenait courage, l’Angleterre, toujours généreuse de subsides, la poussait aux hostilités et le tsar se réservait quand Napoléon lui demandait de se joindre à lui pour l’intimider. L’entrevue d’Erfurt laissait apparaître que l’alliance franco-russe n’était pas solide et Napoléon, sentant bien que les affaires d’Espagne nuisaient à son prestige, résolut de franchir les Pyrénées pour installer lui-même son frère Joseph à Madrid.

Il faudrait des volumes entiers pour raconter ces campagnes qui s’engendraient l’une l’autre et dont aucune ne décidait rien. À peine Napoléon eut-il rétabli la situation militaire en Espagne et ramené Joseph, qu’il dut laisser ses lieutenants aux prises avec les rebelles. L’Autriche, encouragée par les difficultés de la France, était encore une fois entrée en guerre et l’empereur dut se rendre des bords de l’Ebre aux bords du Danube. Les préparatifs de l’Autriche avaient été sérieux. Ce n’était pas un adversaire négligeable. La journée d’Essling fut pénible, la victoire de Wagram coûteuse (juillet 1809). Mais une autre complication sortait de cette victoire. Pour frapper plus sûrement l’Autriche, Napoléon s’était servi contre elle de Poniatowski et des Polonais. Comme au dix-huitième siècle, la Pologne altérait notre politique et nos alliances, et, depuis les partages, elle réunissait toujours la Russie, la Prusse et l’Autriche. Alexandre, resté neutre pendant la guerre austro-française, veillait sur la Galicie, et, déjà déçu par l’abandon des projets sur la Turquie, s’inquiétait d’une résurrection de la