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répondirent par l’affirmative. La Constitution fut remaniée dans ce sens et le Premier Consul reçut en outre le droit de choisir lui-même son successeur (août 1802). Quoiqu’il n’eût pas d’enfants, rien n’interdisait que ce successeur fût son fils, s’il en avait un.

Ainsi la monarchie héréditaire était sur le point d’être rétablie, après tant de serments de ne jamais revenir à la royauté. Ce mouvement s’était produit de la façon la plus naturelle du monde et il ne restait en France qu’un nombre tellement insignifiant de républicains de doctrine qu’aucune résistance n’était à craindre. Il fallait seulement rencontrer les circonstances qui permettraient à Napoléon Bonaparte de faire un pas de plus et de prendre ce titre d’empereur qui était maintenant dans son esprit et qui plaisait aux Français parce qu’il évoquait le souvenir de l’ancienne Rome et parce qu’il répondait à l’étendue de leurs conquêtes. Il serait cependant aussi faux qu’injuste de prêter au Premier Consul l’idée qu’il avait besoin de la guerre pour acquérir la souveraineté suprême. Il ne le serait pas moins de lui attribuer une autre ambition, celle de dominer l’Europe. Comme nous allons le voir, l’Empire s’est fondé d’une autre manière. Dès le Consulat à vie, tous les souverains regardaient Bonaparte comme un des leurs. On le voyait « monter peu à peu vers le trône », tout le monde acceptait cette ascension, et les monarchies européennes, montrant encore une fois combien peu elles s’étaient souciées de la cause des Bourbons, s’inclinaient devant cette puissance redoutable. Elles ne cherchaient plus qu’à se concilier ses bonnes grâces et, au mieux de leurs intérêts, s’adaptaient à une situation qu’elles ne pouvaient changer.

En 1802 et 1803, la politique du Premier Consul ne tend qu’à consolider et à organiser pacifiquement l’Europe dans la forme nouvelle que lui ont donnée dix ans de guerre. Lorsqu’il se fait proclamer président de la République cisalpine ou italienne, dont le centre est Milan, lorsqu’il annexe le Piémont à la France, personne ne proteste, parce que, selon le vieil usage, tout le monde a reçu des compensations. L’Autriche elle-même est consentante, parce qu’elle a Venise. Ce principe des compensations, conformément au traité de Lunéville, fut appliqué à l’Allemagne, et le remaniement de 1803, en suppri-