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Tout réussissait au Premier Consul. Mais il ne fallait pas seulement rendre l’ordre à la France. Il y avait huit ans qu’elle était en guerre. Il fallait aussi lui donner la paix. L’empereur de Russie, Paul Ier, mécontent de ses alliés, s’était retiré de la lutte. Restaient en ligne l’Angleterre et l’Autriche. Le Premier Consul leur proposa de mettre bas les armes. Que la paix fût possible avec les Anglais tant que nous tiendrions les bouches de l’Escaut et qu’ils tiendraient les mers, c’était une grande illusion. Bonaparte en eut une autre qui annonçait toute la suite. Pitt ayant rejeté son offre, le gouvernement de Vienne, lié à celui de Londres, l’ayant rejetée aussi, il crut que, par une victoire éclatante sur l’Autriche, il forcerait l’Angleterre à céder. L’erreur dans laquelle il persista jusqu’à la catastrophe finale s’annonçait. Il faut cependant reconnaître que la Révolution s’y était engagée avant lui : Bonaparte en avait reçu un héritage et un mandat. La France ne renoncerait plus à la principale, à la plus désirée de ses conquêtes, la Belgique, que le genou de l’adversaire sur la poitrine. Aucun gouvernement né de la Révolution ne pouvait y renoncer sans suicide. Bonaparte était donc lié. Et son histoire est celle de la recherche d’une chose impossible : la capitulation de l'Angleterre sur le point qu’elle n’avait jamais admis, — l’annexion de la Belgique, — tandis que la France était impuissante sur mer. Bonaparte pourra bouleverser le continent : à la fin, la France sera ramenée en deçà de ses anciennes limites.

Pour forcer l’Autriche à la paix, le Premier Consul conçut un plan hardi. Tandis que Moreau opérait une diversion heureuse en Allemagne, il franchit hardiment les Alpes au passage du Grand-Saint-Bernard, battit Mélas à Marengo, victoire disputée où périt Desaix (14 juin 1800) et redevint maître de l’Italie. Après d’inutiles pourparlers, il fallut encore, en décembre, une autre victoire, celle de Moreau à Hohenlinden, pour que l’empereur François II cédât. En février 1801 fut signé le traité de Lunéville. L’Autriche renonçait à l’Italie, reconnaissait toutes les conquêtes de la France révolutionnaire et les quatre Républiques associées ou plutôt vassales, la Batave, l’Helvétique, la Cisalpine et la Ligurienne. La rive gauche du Rhin devint française et fut divisée en départements. Ce fut le triomphe de Bonaparte et celui de la Révolu-