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CHAPITRE XVII

LE CONSULAT ET L’EMPIRE


Le coup d’État de brumaire, loin d’être dirigé contre la Révolution, était destiné à la sauver. Bonaparte, revenu d’Égypte, apparut comme le sauveur qu’on cherchait. Dès son arrivée à Fréjus, il fut accueilli au cri de « Vive la République ». Il traversa la France en triomphateur. Un républicain ardent, Baudin, député des Ardennes, mourut de joie en apprenant son retour. Baudin était un des auteurs de la Constitution de l’an III, il la voyait près de périr et il mettait son espoir dans le jeune général qui, le 13 vendémiaire et le 18 fructidor, avait prêté main-forte à la Révolution. Il ne faut pas oublier non plus que le 18 brumaire fut organisé à l’intérieur du gouvernement lui-même. Deux des directeurs sur cinq, Sieyès et Roger-Ducos, étaient d’accord avec Bonaparte, et Sieyès était un des pères de la Révolution. Il tenait le Conseil des Anciens. Lucien Bonaparte présidait le Conseil des Cinq-Cents. Ces complicités permirent d’éloigner le Corps législatif de Paris et de l’envoyer à Saint-Cloud, sous le prétexte qu’il était menacé par un mouvement jacobin. Néanmoins, il y eut une violente opposition aux Cinq-Cents, qui voulurent mettre Bonaparte hors la loi. Entouré, presque frappé, ses grenadiers le dégagèrent et leur entrée dans la salle des séances mit en fuite les représentants qui le traitaient de factieux et de dictateur.

« Bonaparte, dit Thiers, venait, sous les formes monarchiques, continuer la Révolution dans le monde. » En effet, des révolutionnaires, des régicides comme Sieyès la sentaient compromise. Rien n’allait plus. Aucune constitution ne pouvait vivre. L’ordre ne se rétablissait pas. Brune et Masséna avaient tout juste arrêté la coalition, et pour combien de mois