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Comité de Salut public et de la Commune. Les Girondins, sauf trois ou quatre, s’enfuient, tentent vainement de soulever les départements. Ils trouveront, pour la plupart, une fin misérable dans le suicide ou sur l’échafaud. En octobre, le procès des Girondins, auteurs conscients et volontaires de la guerre à l'Autriche et à l’Europe, coïncida avec l’exécution de Marie-Antoinette, « l’Autrichienne ». Philippe-Égalité, Mme  Roland, l’ancien maire Bailly, tous les personnages du drame, artisans du malheur des autres et de leur propre malheur, se succédèrent en quelques jours sous le couteau.

Par une surenchère continuelle, à force de patience et de démagogie, grâce surtout au maniement des clubs et de l’émeute, Robespierre était vainqueur. Après le 31 mai, il était le maître et tous ceux qui passaient, qui allaient encore passer par les mains du bourreau en attendant qu’il y passât lui-même, avaient contribué à l’amener au pouvoir. Mais dans quel état prenait-il la France ! De nouveau, nos frontières étaient ouvertes à l’invasion. Au printemps, l’enrôlement forcé de 300 000 hommes, ajouté à la guerre religieuse et à l’exécution de Louis XVI, avait définitivement soulevé la Vendée qui n’estima pas que la conscription et la caserne fussent des conquêtes de la liberté. Lyon et Marseille étaient en révolte contre les Jacobins. Pour leur échapper, Toulon se donnait aux Anglais. Dans ces circonstances épouvantables, la France était sans autre gouvernement que celui de la Terreur. Par la position démagogique qu’il avait prise contre les conspirateurs et les traîtres, par sa propension à en voir partout, Robespierre incarnait la guerre à outrance. La justification de la Terreur, c’était de poursuivre la trahison : moyen commode pour le dictateur d’abattre ses concurrents, tous ceux qui lui portaient ombrage, en les accusant de « défaitisme ». Par là aussi sa dictature devenait celle du salut public. Elle s’était élevée par la guerre que les Girondins avaient voulue sans que la France eût un gouvernement assez énergique pour la conduire. Brissot et ses amis avaient tiré un vin sanglant. Il ne restait plus qu’à le boire.

C’est ainsi, dans cette mesure et pour ces raisons, que malgré ses atroces folies, malgré ses agents ignobles, la Terreur a été nationale. Elle a tendu les ressorts de la France dans un des