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pagnes traînaient, où les batailles étaient d’ordinaire de simples engagements, où l’on se portait peu de coups décisifs. C’est quand les guerres seront tout à fait nationales, de peuple à peuple, qu’elles deviendront vraiment terribles, comme Mirabeau l’avait annoncé. Cependant, sous Louis XVI, les conflits auxquels nous avions pris part avaient eu lieu en terre étrangère, la supériorité de la France lui permettant de porter dès le début les hostilités au dehors. Il n’en fut pas de même en 1792. Les discours de Brissot et de Vergniaud ne suffisaient pas à remporter la victoire : il faudrait l’organiser. Trois ans d’anarchie furent payés cher. Le plan consistait à entrer d’abord en Belgique : on espérait que la population se soulèverait en notre faveur. Non seulement elle ne se souleva pas, mais deux de nos corps, qui marchaient l’un sur Mons, l’autre sur Tournay, furent repoussés par les Autrichiens dans une telle panique que le général Dillon fut assassiné par les fuyards. Les causes et les responsabilités de cet échec humiliant étaient trop visibles. Les Girondins s’en déchargèrent en les rejetant sur la trahison du « comité autrichien », ce qui voulait déjà dire clairement de la reine et du roi. Dès lors, c’est à ciel ouvert qu’ils travaillèrent au renversement de la monarchie en poussant Louis XVI à bout. Ils voulurent le contraindre à signer un décret qui condamnait à la déportation les prêtres insermentés. Un autre décret ordonna la dissolution de sa garde de sûreté personnelle. Enfin, comme les Girondins et les Jacobins craignaient la garde nationale depuis l’affaire du Champ-de-Mars, ils exigèrent la création à Paris d’un camp où seraient appelés 20 000 fédérés pour remplacer les troupes régulières et combattre la contre-révolution, c’est-à-dire, et tout le monde le comprit, pour préparer un coup de main. Louis XVI refusa de sanctionner les décrets et renvoya les ministres girondins le 12 juin. Le roi persistant dans son veto, Dumouriez l’abandonna et partit le 18. Les régiments avaient été éloignés, la garde constitutionnelle licenciée. Les fédérés marseillais, arrivés les premiers à Paris, furent autorisés, après une intervention favorable de Vergniaud, à prendre la tête d’une manifestation populaire contre le double veto. Le 20 juin, un cortège tumultueux, portant une pétition pour le rappel des ministres girondins, défila devant l’Assemblée consentante, puis viola les Tuileries