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CHAPITRE XVI

LA RÉVOLUTION


Le sens des journées d’octobre, dont on ne punit même pas les excès, fut compris : cent vingt députés, estimant que l’Assemblée n’était plus libre, se retirèrent. Parmi eux était Mounier, l’homme du programme de Vizille. Dès le mois de juin, l’émigration avait d’ailleurs commencé. De la fraternité on allait à la guerre civile comme de l’amour du genre humain on irait à la guerre étrangère.

La première émigration n’eut pas seulement pour conséquence d’affaiblir à l’intérieur les éléments de résistance au désordre. Pour la plupart, ces émigrés étaient non pas des timides qui avaient peur de la révolution, mais des hommes énergiques qui voulaient la combattre et qui trouvaient aussi naturel de passer à l’étranger que, sous la Fronde, l’avaient trouvé Condé et Turenne. Ils furent ainsi amenés à prendre les armes contre leur pays et s’aperçurent trop tard que les monarchies européennes n’étaient disposées à aucun sacrifice pour restaurer la monarchie française. La première émigration entraîna de graves conséquences à l’intérieur. Elle causa de redoutables embarras à la royauté à laquelle les émigrés ne pardonnaient pas ses concessions au mouvement révolutionnaire et qui fut prise entre deux feux. Les députés du tiers qui, comme Mounier, s’éloignèrent par dépit et renoncèrent tout de suite à la lutte n’eurent pas un tort moins grave. Les uns et les autres, en tout cas, avaient vu qu’il s’agissait bien d’une révolution. On ne peut pas en dire autant de beaucoup qui gardèrent leurs illusions ou ne s’aperçurent de rien. À cet égard, un des incidents de haute comédie qui marquèrent ces temps déjà tragiques, fut celui que soulevèrent les Parlements