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la dîme, les privilèges des provinces, des communes, des corporations. Dans cette nuit de panique plutôt que d’enthousiasme, on abolit pêle-mêle, sans discernement, les droits, d’origine historique, qui appartenaient à des Français nobles et à des Français qui ne l’étaient pas, ce qui était caduc et ce qui était digne de durer, toute une organisation de la vie sociale, dont la chute créa un vide auquel, de nos jours, la législation a tenté de remédier pour ne pas laisser les individus isolés et sans protection. Mirabeau, absent cette nuit-là, fut le premier à blâmer cette vaste coupe, ce « tourbillon électrique », et à en prévoir les conséquences : on avait, disait Rivarol, déraciné l’arbre qu’il eût fallu émonder. Déjà il était impossible de revenir en arrière et un mal du moins, mal immédiat, était irréparable. Car si l’on avait rendu la France uniforme, en supprimant d’un trait toutes les exceptions qui rendaient si malaisée l’administration financière, l’État prenait aussi des charges qui, en bien des cas, étaient la contrepartie des redevances abolies. Quant à la masse du public, elle interpréta cette hécatombe dans le sens de ses désirs, c’est-à-dire comme une délivrance de toutes ses obligations. Il arriva donc que, du jour au lendemain, personne ne paya plus. La perception des impôts, qu’on avait crue rétablie en proclamant la justice pour tous, n’en devint que plus difficile. On avait cru « arrêter l’incendie par la démolition ». La violence de l’incendie redoubla.

À la fin de ce même mois d’août 1789, Necker, devant l’Assemblée, poussa un cri de détresse. Plus que jamais le Trésor était vide. Les revenus publics s’étant taris, les recettes ne couvraient déjà plus que la moitié des dépenses. Necker demandait à l’Assemblée de rétablir l’ordre sans lequel le recouvrement des impôts était impossible et d’autoriser un emprunt. Les impôts ne rentrèrent pas mieux, l’emprunt rentra mal. Le 24 septembre, Necker annonça cet échec. Il montra la pénurie grandissante de l’État, le danger de le laisser sans ressources lorsque la disette causait déjà des troubles et demanda le vote d’une contribution extraordinaire, dite taxe patriotique, d’un quart du revenu net à partir de 400 livres.

L’Assemblée fut atterrée par cette conclusion plus encore que par la peinture des désordres où achevaient de sombrer