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jours, les Français seront délivrés de l’impôt sur le revenu, le secret de leurs affaires, auquel ils tiennent tant, sera respecté. Mais ce besoin non plus n’est pas neuf. On reconnaît ici l’esprit de la vieille France, sa longue lutte contre le fisc. Ce que les « cahiers » montrent surtout, c’est le désir de ne pas payer ou de payer le moins possible. Le genre d’imposition que l’on demande est le plus léger qui se conçoive, parce que le bon sens dit que, tout de même, il en faut un. Mais on n’en voudrait pas d’autre. Les impôts indirects sont proscrits, les droits sur les boissons non moins que la gabelle. En résumé, l’État aura des charges accrues et des ressources diminuées. Aussi les gouvernements révolutionnaires, esclaves de cette démagogie, seront-ils rapidement conduits à des embarras financiers et à des expédients pires que ceux dont on avait voulu sortir, sans compter que, l’anarchie étant très vite venue, les contribuables traduiront tout de suite les vœux des « cahiers » : ils se mettront en grève et ne paieront plus rien. Sévèrement, Carnot dira plus tard : « Toutes les agitations du peuple, quelles qu’en soient les causes apparentes ou immédiates, n’ont jamais au fond qu’un seul but, celui de se délivrer du fardeau des impositions. »

Les députés qui, le 5 mai 1789, se réuniront à Versailles, ne se doutaient pas des difficultés qui les attendaient. Bientôt les responsabilités de la direction vont peser sur le tiers état qui mènera une lutte persévérante pour arracher le pouvoir à la monarchie. En racontant l’histoire, telle qu’elle a été, nous allons voir le gouvernement passer en de nouvelles mains sans que la nature de la tâche ait changé.

Le langage du temps, particulièrement déclamatoire, les mots célèbres, parfois arrangés, ont donné à ces événements un caractère héroïque et fabuleux. À la vérité, ils surprirent tout le monde et il arriva ce que personne n’avait voulu. Le gouvernement, c’est-à-dire Necker, se proposait seulement d’obtenir des députés les moyens de contracter des emprunts et de rétablir les finances. Il n’avait ni plans ni même conceptions politiques : il laissa les choses aller à la dérive. La noblesse fut tout de suite irritée, la tactique des anciens états généraux ayant été jetée par terre dès le début, c’est-à-dire dès que le clergé eut passé du côté de la bourgeoisie, le tiers ayant tenu