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Puisqu’elle a péri par la question d’argent, il faut donc savoir si cette question était insoluble. Deux faits vont répondre : le déficit, d’après le compte rendu de Brienne, était de 160 millions sur une dépense d’un demi-milliard. La France comptait alors environ 25 millions d’habitants : c’était une affaire de 6 à 7 francs par tête. D’autre part, le service des emprunts absorbait la moitié des recettes. Une proportion pareille a semblé excessive et irrémédiable jusqu’au jour où nos budgets d’après-guerre ont montré une proportion encore plus forte. On ne peut donc pas dire que la situation fût désespérée. Elle n’était sans issue, répétons-le, que par l’incapacité où se trouvait l’État de créer les ressources suffisantes et de percevoir des impôts calculés sur ses besoins. À cet égard, la Révolution ne sera pas plus heureuse et la liberté ne lui réussira pas mieux que les libertés n’ont réussi au roi. Quant aux frais de la famille royale et de la Cour, quant aux faveurs et aux pensions, dont on a tant parlé, outre que beaucoup récompensaient des services rendus à l’État et constituaient des retraites, on ne peut rien en dire de plus juste que ceci : « Il n’existe pas et il ne peut exister de statistiques pour ce genre de dépenses ou de ressources taries, pas plus qu’il n’en existe, pour des temps plus voisins de nous, des économies empêchées, des sinécures établies et maintenues, des dépenses inutiles imposées par les influences parlementaires et les servitudes électorales. » (Marion, Histoire financière de la France.)

Cependant, il fallait vivre jusqu’à cette convocation des états généraux où chacun mettait son espoir. Louis XVI rappela le magicien, le prestidigitateur, Necker, l’homme par qui le crédit renaissait. Cette fois, Necker eut tous les pouvoirs d’un ministre et il se remit à l’œuvre, plein de confiance dans ses talents. Il prêta deux millions de sa fortune personnelle au Trésor, obtint des avances des banquiers, paya tout à guichets ouverts. Mais le grand défaut de Necker, surtout dans un temps comme celui-là, était de voir les choses du point de vue financier et non du point de vue politique. Il ne comprit pas ce qui se préparait, c’est-à-dire une révolution dont il fut encore plus étonné que bien d’autres. Son excuse est dans un malentendu à peu près général. On le vit bien lorsque le Parlement, retrouvant son esprit réactionnaire, décida que les états généraux