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assemblées provinciales : sur tous les points, les Cours souveraines se montraient intraitables. Elles invoquaient, elles aussi, ces lois fondamentales, ces antiques traditions du royaume en vertu desquelles le roi les avait restaurées : respect des anciennes coutumes provinciales, indépendance et inamovibilité des magistrats, vote des subsides par les états généraux. Devant cette opposition opiniâtre, il fallut revenir aux lits de justice, à l’exil des Parlements, aux arrestations de parlementaires : le gouvernement était ramené aux procédés du règne de Louis XV sans pouvoir les appliquer avec la même énergie et en ayant, cette fois, l’opinion publique contre lui. La résistance des Parlements, désormais liée à la convocation des états généraux, était populaire. L’idée de consulter la nation était lancée dans la circulation et s’associait à l’idée de liberté : l’école philosophique du despotisme éclairé, celle qui avait soutenu Choiseul et Maupeou, avait disparu ; le libéralisme mis en vogue par la littérature et propagé par l’exemple américain la remplaçait.

Brienne, un « Maupeou impuissant » ou plutôt inconscient, ne fut pas heureux dans sa lutte contre les parlementaires. Ils revendiquaient la tradition. Il voulut remonter plus haut qu’eux, inventa une cour plénière, « rétablie », disait-il, sur le modèle donné par les premiers Capétiens, sinon par Charlemagne. Le Parlement, féru d’antiquité, serait réduit aux modestes fonctions qu’il remplissait à ses origines. En somme, Brienne jouait un tour aux magistrats. Son système, artificiel, n’eut qu’une conséquence. Que voulait-il ? Le roi dans ses conseils, le peuple en ses états ? Donc, plus de pouvoirs intermédiaires, appel direct à la nation. Ainsi, bien qu’il les promît seulement pour plus tard, Brienne à son tour annonçait des états généraux. En jouant à l’archaïsme, le gouvernement et les Parlements hâtaient également l’heure d’ouvrir les écluses. À ce jeu, on se blessa à mort. La famille royale elle-même s’y déchira : le duc d’Orléans, entré dans l’opposition, fut exilé à Villers-Cotterets pour avoir publiquement reproché à Louis XVI d’agir contre la légalité, le jour de l’enregistrement forcé des nouveaux édits.

Le gouvernement devenait impossible, parce qu’il avait multiplié les obstacles sur sa route, placé un piège devant chacun