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Necker et de Turgot, celles qu’on agitait vaguement un peu partout, le programme que la Constituante, en grande partie, reprendra. Rien ne serait plus faux que de regarder Calonne comme un réactionnaire. C’est un réformateur qui parle à ces représentants des trois ordres, choisis parmi des personnalités considérables ou populaires. La Fayette en était, ainsi que de grands seigneurs renommés pour leur « philanthropie » et leur attachement aux idées nouvelles. Dans les secrétariats, Mirabeau et Talleyrand débutent. Calonne croyait prendre appui sur cette assemblée pour obtenir les réformes que repoussait le Parlement. Il se figurait, avec l’optimisme de son temps accru par son optimisme naturel, qu’en invoquant le bien public il obtiendrait ce qu’il cherchait : un nouveau système d’impôts, votés par des assemblées provinciales, avec suppression des « exemptions injustes ». C’est-à-dire que Calonne s’adressait au bon cœur des privilégiés et aux aspirations égalitaires du tiers état. Avec une véritable naïveté, pour mieux agir sur les esprits, il mit à nu la détresse du Trésor. Les notables, au lieu d’ouvrir leur bourse, en profitèrent pour le charger de tous les péchés. Les accusations d’impéritie et de profusion qui pèsent sur sa mémoire datent de là. Il devint le bouc émissaire de l’ensemble des causes qui avaient ruiné nos finances. Le scandale fut tel que le roi dut lui signifier son congé. La première assemblée, cette assemblée triée sur le volet, avait pour ses débuts renversé un ministre haï des Parlements.

Elle ne fit pas autre chose. Loménie de Brienne, un prélat ami de Choiseul et des philosophes et qu’on disait même athée, succéda à Calonne et reprit ses projets. Il n’obtint rien de plus des notables, pressés surtout de ne pas payer. Pour renvoyer à plus tard le quart d’heure de Rabelais, ils se rejetèrent sur l’idée qu’une grande réforme des impôts devait être approuvée par les états généraux ou même, comme disait La Fayette, par « mieux que cela », par une assemblée nationale. On y allait désormais tout droit.

La fin de l’année 1787 eut ceci de particulièrement funeste pour la monarchie qu’elle mit Louis XVI en contradiction avec lui-même : il fut obligé d’entrer en lutte ouverte avec les Parlements qu’il avait rétablis. Refus d’enregistrer les édits qui créaient les nouvelles taxes, refus de reconnaître les nouvelles