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les instructions de Bernis, devenu ministre des Affaires étrangères à Choiseul, nommé ambassadeur à Vienne, ont montré que l’alliance avec l’Autriche avait été l’effet du calcul et non du caprice. L’expérience, disait Bernis, a prouvé que nous avions eu tort de contribuer à l’agrandissement du roi de Prusse. L’intérêt de la France est qu’aucune puissance ne domine l’Allemagne et que le traité de Westphalie soit respecté. Or Frédéric a saisi l’occasion de notre conflit avec l’Angleterre pour s’allier avec cette puissance dans l’idée que nous serions trop occupés sur les mers pour nous opposer à ses entreprises dans les pays germaniques. Si nous laissions le roi de Prusse en tête-à-tête avec l’Autriche, il serait à craindre qu’il n’arrivât à ses fins et que le système de l’Allemagne fût bouleversé à notre détriment. Il ne restait d’autre parti que de répondre aux avances de l’Autriche et de s’associer à elle pour défendre l’équilibre européen.

En 1756 et en 1757, Bernis a donc compris que le danger en Allemagne était prussien. Il a vu aussi combien notre tâche devenait lourde, puisque, au moment où l’Angleterre nous provoquait à une lutte redoutable, nous étions engagés par Frédéric dans une guerre continentale et dans la complexité des affaires de l’Europe centrale et orientale. Cette complexité s’accroissait du fait que l’impératrice de Russie entrait dans la coalition contre la Prusse, car nous avions à protéger notre autre et ancienne alliée, la Pologne, contre les convoitises de l’Autriche et de la Russie, nos associées, sans compter que, pour avoir le concours des Russes, il avait fallu conseiller à la Pologne de ne pas se mêler du conflit. On a ainsi l’idée d’un véritable dédale où la politique française se perdit plusieurs fois. La diplomatie secrète embrouilla souvent les choses en cherchant à résoudre ces contradictions. Mais on ne peut pas incriminer à la fois le « Secret du roi » et le renversement des alliances puisque le « secret » était polonais et cherchait à réserver l’avenir de nos relations avec la Pologne malgré nos liens avec la Russie et l’Autriche.

La guerre maritime avait bien commencé malgré l’infériorité de nos forces navales. Le maréchal de Richelieu avait débarqué à Minorque, pris Port-Mahon, et ce succès, qui libérait la Méditerranée, et permit notre installation en Corse, nous