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Bon gré, mal gré, l’Autriche et la France se trouvaient rapprochées. Par le premier traité de Versailles, le mois même de notre rupture avec les Anglais, une alliance défensive était conclue entre Bourbons et Habsbourg. Un an plus tard, cette alliance se resserrait, Frédéric ayant envahi la Saxe Comme il avait envahi la Silésie et dévoilé l’ambition de la Prusse qui était de mettre sous sa dépendance tout le corps germanique.

Le « renversement des alliances » est un événement considérable dans notre histoire. Tout naturellement les austrophobes, les partisans aveugles de la tradition se récrièrent, et le pire fut que, bientôt, aux yeux du public, le résultat malheureux de la guerre parut leur donner raison. De l’alliance autrichienne date le divorce entre la monarchie et la nation, et sera encore, trente-cinq ans plus tard, le grief le plus puissant des révolutionnaires, celui qui leur donnera le moyen de renverser et de condamner Louis XVI.

La légende fut que la royauté n’avait renoncé à ses anciennes maximes, abandonné la lutte contre la maison d’Autriche que par une intrigue de cour. Frédéric fit de son mieux pour accréditer cette version et, comme il avait déjà une femme, Marie-Thérèse, pour adversaire (en attendant l’impératrice de Russie), il accusa Mme de Pompadour, « Cotillon II », d’avoir sacrifié les intérêts de la France au plaisir vaniteux d’être en correspondance avec la fille des Habsbourg. Il est vrai que Marie-Thérèse, son ministre Kaunitz et son ambassadeur Stahremberg, ne négligèrent rien pour flatter la favorite. Il est vrai aussi que la maison de Babiole où eurent lieu les pourparlers, la part qu’y prit, avec Mme de Pompadour, l’abbé de Bernis, homme de cour auteur de vers galants, donnent au renversement des alliances un air de frivolité. Ce fut pourtant une opération sérieuse et réfléchie. Par le premier traité de Versailles, le gouvernement français n’avait conclu qu’une alliance défensive. Elle fut étendue après l’accession et les succès de Frédéric, mais, par un second traité, nous prêtions notre concours militaire à l’Autriche contre la promesse d’étendre notre frontière dans la partie méridionale des Pays-Bas autrichiens, d’Ostende à Chimay, le reste devant former un État indépendant, esquisse de la future Belgique, qui serait attribué à l’infant de Parme, gendre de Louis XV. Connues de nos jours seulement,