Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/506

Cette page n’a pas encore été corrigée

sur le duché. C’était la solution élégante et avantageuse de plusieurs difficultés à la fois. Jusqu’alors on n’avait pas trouvé le moyen de réunir cette province française et, malgré de perpétuels conflits avec les princes lorrains, malgré une occupation, même prolongée, de leur territoire, la monarchie n’avait jamais voulu annexer la Lorraine par la violence et contre le vœu de ses habitants.

La raison exigeait qu’on s’en tînt là et tel était le sentiment de Fleury, légitimement fier d’avoir atteint ces résultats en évitant la médiation intéressée de l’Angleterre. Mais, en France, le parti anti-autrichien se plaignait qu’il eût trop cédé à l’Autriche et regrettait qu’au lieu de brèves campagnes sur le Rhin et en Italie une armée n’eût pas été envoyée jusqu’en Bohême. Le ministre des Affaires étrangères Chauvelin était le plus belliqueux des austrophobes. Fleury, pour pouvoir signer la paix de Vienne, avait obtenu de Louis XV la disgrâce et le renvoi de Chauvelin. Ce fut le premier épisode de ce grand conflit d’opinions. Il avait été bien réglé et sans dommages pour la France.

Les deux hommes les plus importants de l’Europe, à ce moment-là, Fleury et Walpole, étaient pacifiques tous deux. On pouvait donc penser que, quand l’empereur mourrait, sa succession se réglerait sans encombre. On ne comptait pas avec les forces qui travaillaient à la guerre.

Walpole fut débordé le premier. L’Angleterre, qui ne cessait de développer son commerce, convoitait âprement les colonies espagnoles. L’Espagne s’étant mise en défense contre une véritable expropriation, les négociants et les armateurs anglais s’exaspérèrent, le Parlement britannique les écouta et Walpole céda, préférant, selon un mot connu, une guerre injuste à une session orageuse. La guerre maritime durait depuis un an entre l’Angleterre et l’Espagne qui, du reste, se défendait avec succès, et la France, demeurée neutre, commençait à comprendre qu’elle était menacée derrière les Espagnols et qu’il serait prudent de s’armer sur mer, lorsque l’empereur Charles VI mourut au mois d’octobre 1740. Il avait eu, lui aussi, une illusion semblable à celle de Walpole et de Fleury. Il avait cru que des actes notariés suffiraient à garantir l’héritage de sa fille et la paix. Tout se passa bien d’abord. Seul