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toute la machine, comme il arrivera à la fin du siècle, et personne n’y tenait. Le prestige de la monarchie, élevé si haut, la défendait et la défendra encore. Tout l’espoir allait au règne de Louis XV.

Le jeune roi avait quatorze ans, il avait atteint l’âge de la majorité légale, lorsque Dubois, puis le Régent, disparurent, en 1723, à quelques mois de distance. En l’espace de huit ans, par le malheur de leur situation et la force des choses plutôt que par des intentions mauvaises, ils avaient commis des dégâts incontestables. Surtout, ils avaient perdu de vue la situation de la France dans une Europe transformée, compliquée, où de nouveaux éléments apparaissaient, tendaient à changer le rapport des forces : ce n’était pas seulement la Prusse, mais, avec Pierre le Grand, la Russie. L’avance que nous avions conquise au dix-septième siècle nous donnait une grande place que nous avions à défendre contre l’Angleterre, dès lors tournée vers la suprématie économique, vers la conquête des marchés et des colonies. À la suite de la paix d’Utrecht, jamais le choix entre la terre et la mer, la mesure à garder entre des intérêts complexes afin de les concilier pour le bien du pays, n’avaient imposé plus de réflexion. Il se trouvait que, par l’initiative de Français entreprenants, qu’avaient approuvés successivement Henri IV, Richelieu, Colbert, nous avions jeté les bases d’un empire colonial qui devait exciter la jalousie de l’Angleterre, gêner son développement, autant que l’empire colonial espagnol. Notre domaine, c’était presque toute l’Amérique du Nord, du Canada jusqu’au golfe du Mexique, les plus belles des Antilles, des comptoirs en Afrique et dans l’Inde, amorces de vastes établissements. Sur tous ces points, nous avions précédé les Anglais, distraits pendant la plus grande partie du dix-septième siècle par leurs révolutions, nous leur barrions l’avenir. Nous devions nous attendre à leur jalousie et à leur hostilité et leur intérêt était de nous voir engagés dans de stériles entreprises en Europe tandis que nous négligerions la mer, car un pays qui oublie sa marine ne garde pas longtemps ses colonies.

Après le désastre de la Hougue, le public français s’était dégoûté des choses navales. Il se dégoûta des choses coloniales après la faillite « du Système de Law » fondé sur l’exploitation