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CHAPITRE II

LES TRAITÉS DE WESTPHALIE : L’ANARCHIE ALLEMANDE ORGANISÉE ET LA SÉCURITÉ DE LA FRANCE GARANTIE


On serait tenté quelquefois de croire que l’histoire de notre pays n’a pas été écrite par la même race d’hommes que ceux qui l’ont faite. Nos rois, nos ministres, nos grands diplomates seraient bien surpris s’ils pouvaient voir ce que leur œuvre et leurs intentions sont devenues dans l’esprit de la plupart de nos historiens, mieux doués pour composer des romans, des poésies lyriques, ou soutenir des polémiques de parti que pour autre chose. Ce n’est pas que l’ancienne politique française ait manqué de larges vues d’ensemble ni même d’imagination, quoique certains écrivains l’aient jugée trop « terrienne ». La défense du sol, la protection et l’extension progressive du territoire national formaient effectivement le premier point du programme de la monarchie. Il a fallu de cruelles expériences pour que notre pays appréciât mieux une politique dont l’objet était de le mettre à l’abri de ces invasions que nous venons, depuis la Révolution, de subir pour la cinquième fois.

C’est à ce résultat que tendait la lutte contre la maison d’Autriche, lutte qui a rempli deux siècles de notre histoire et qui devait s’achever par un triomphe complet. Essentiellement, il s’agissait d’empêcher les Habsbourg d’obtenir ce que les Hohenzollern ont acquis au dix-neuvième siècle, c’est-à-dire la domination de l’Allemagne. Il s’agissait d’empêcher que l’Allemagne fît son unité comme la France avait fait la sienne. C’était une œuvre réaliste, inspirée par le bon sens, dominée par la notion de l’intérêt national. En même temps, l’humanité et la civilisation devaient y trouver leur compte : à l’issue de