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péniblement acquis. Cependant deux États s’étaient élevés, deux États qui auraient leur fortune à faire. L’électeur de Brandebourg était devenu roi en Prusse, et il était écrit que les Hohenzollern, les plus actifs et les plus ambitieux des princes allemands, chercheraient à dominer l’Allemagne et à reconstituer à leur profit l’unité allemande, manquée par les Habsbourg. Le duc de Savoie allait également prendre le titre de roi et sa position était la même vis-à-vis des Habsbourg et de l’Italie. C’était un grand changement dans le système des forces européennes. Louis XIV, tout près de sa mort, comprit que la lutte contre la maison d’Autriche était un anachronisme. Selon le véritable esprit de la politique française et des traités de Westphalie, il fallait surveiller l’État, quel qu’il fût, qui serait capable d’attenter aux « libertés du corps germanique », et, pour un œil exercé, cet État était la Prusse. Tel fut le testament politique de Louis XIV qui n’avait reconnu le nouveau roi de Berlin qu’après une longue résistance. Mais Louis XIV ne devait pas être écouté. C’est sa véritable gloire d’avoir compris que la rivalité des Bourbons et des Habsbourg était finie, qu’elle devenait un anachronisme, que des bouleversements continentaux ne pourraient plus se produire qu’au détriment de la France et au profit de l’Angleterre pour qui chaque conflit européen serait l’occasion de fortifier sa domination maritime et d’agrandir son empire colonial. L’Autriche n’était plus dangereuse, la Prusse ne l’était pas encore, tandis que l’Angleterre, victorieuse sur les mers, nous menaçait d’étouffement. Pour maintenir notre position sur le continent, nous avions dû lui céder de ce côté-là. C’est de ce côté-là aussi que devait se porter un jour, après des erreurs et des diversions malheureuses, notre effort de redressement. Car, ce que cette longue guerre avait encore enseigné, c’était que nous ne pouvions pas lutter victorieusement contre les Anglais si nos forces maritimes n’étaient pas en mesure de tenir tête aux leurs.

La France était très fatiguée lorsque Louis XIV mourut, en 1715. Encore une fois, elle avait payé d’un haut prix l’acquisition de ses frontières et de sa sécurité. Était-ce trop cher ? Il ne manqua pas de Français pour le trouver. Les souffrances avaient été dures. L’année 1709, avec son terrible hiver et sa famine, se passa tout juste bien. On murmura beaucoup. Il se