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Il fallait résister jusqu’au bout, quels que fussent le désir et le besoin de la paix, et, pour cela, expliquer à l’opinion publique que nos ennemis nous obligeaient à continuer la guerre. On conseillait à Louis XIV de convoquer les états généraux : il ne voulut pas de ce remède dangereux. Il préféra écrire une lettre, nous dirions aujourd’hui un message, dont lecture fut donnée dans tout le royaume et les Français y répondirent par un nouvel élan. Cette faculté de redressement qui leur est propre parut encore à ce moment-là. Les récriminations ne manquèrent pas non plus, ni les gens qui réclamaient des réformes et à qui les revers fournissaient l’occasion de se plaindre du régime.

La résistance ne fut pas inutile, car nos ennemis à leur tour se fatiguaient. En somme, sauf au nord, la France n’était pas envahie et, sur nos lignes de défense, nous ne reculions que pied à pied. La journée de Malplaquet, en 1709, l’année terrible, fut encore malheureuse pour nous, mais elle coûta horriblement cher aux Alliés. Les négociations recommencèrent avec un plus vif désir d’aboutir chez les Anglais, las de soutenir la guerre continentale par des subsides aux uns et aux autres. Les tories, c’est-à-dire approximativement les conservateurs, arrivèrent au pouvoir et le parti tory nous était moins défavorable que le whig, c’est-à-dire les libéraux. Il comprit que le moment était venu pour l’Angleterre de consolider les avantages maritimes et coloniaux que la guerre lui avait rapportés. De plus, un événement considérable s’était produit en Europe : par la mort inopinée de l’empereur Joseph, l’archiduc Charles avait hérité de la couronne d’Autriche. En continuant la guerre à leurs frais pour lui donner l’Espagne, les Anglais auraient travaillé à reconstituer l’Empire de Charles Quint non plus par métaphore mais dans la réalité. La combinaison que Louis XIV acceptait, c’est-à-dire la séparation des deux monarchies de France et d’Espagne, n’était-elle pas préférable ? Il se trouvait qu’au total Louis XIV, en acceptant la succession, avait sauvé l’Europe d’un péril et combattu pour cet équilibre européen, dont la doctrine, pour être moins claire chez les Anglais que chez nous, était mieux comprise du parti tory. Ces nouvelles réflexions furent mûries à Londres par un soulèvement de l’Espagne en faveur de Philippe V et la victoire franco--