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La défaite de la Hougue, en 1692, fut loin de terminer la guerre. Elle nous empêcha seulement de la gagner tout à fait. Tourville et Jean Bart portèrent encore de rudes coups aux amiraux anglo-hollandais. Sur terre, la coalition s’épuisait, mais la France se fatiguait aussi. Sur le Rhin, les Alpes, les Pyrénées, elle n’avait été entamée nulle part, mais elle avait souffert. Cet immense effort avait été coûteux. Les ressources créées par Colbert avaient fondu et Louis XIV voyait approcher l’heure, chargée de soucis, où la succession d’Espagne s’ouvrirait. Il cherchait depuis longtemps une paix de compromis, à la fois avantageuse et honorable. Cette paix réfléchie, modérée, fut celle de Ryswick (1697). Si la France restituait beaucoup de choses, elle gardait Strasbourg. Et surtout ces restitutions s’inspiraient du plan qui consistait à nous donner des frontières solides. Le système de Vauban avait subi victorieusement l’épreuve de la guerre. Mais Vauban avait peut-être tendance à étendre un peu trop son système. Louis XIV pensa qu’on ne perdrait rien à le resserrer. Il n’en fut pas moins blâmé pour n’avoir pas tiré meilleur parti des victoires de Luxembourg et de Catinat, les militaires se plaignirent hautement de cette paix et Louis XIV, au nom duquel on attache aujourd’hui des idées d’excès et d’orgueil, a passé de son temps pour avoir, par timidité, sacrifié les intérêts et la grandeur de la France. Ces contradictions sont la monnaie courante de l’histoire ; quand on l’a un peu pratiquée on ne s’en étonne même plus.

Ce qui avait le plus coûté à Louis XIV, c’était de reconnaître Guillaume d’Orange comme roi d’Angleterre et de renoncer à la cause des Stuarts, car c’était aussi reconnaître que l’Angleterre échappait à notre influence. Mais un intérêt supérieur exigeait de grands ménagements de beaucoup de côtés. L’événement prévu depuis les débuts du règne, depuis le mariage avec Marie-Thérèse, approchait. Le roi d’Espagne Charles II, beau-frère de Louis XIV et de l’empereur Léopold, allait mourir sans enfant. Selon que Charles II laisserait sa succession à l’un ou à l’autre de ses neveux, le sort de l’Europe serait changé. Le danger, pour nous, c’était que l’héritage revînt aux Habsbourg de Vienne, ce qui eût reconstitué l’empire de Charles Quint. D’autre part Charles II ne se décidait pas. D’innombrables