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d’invasion. C’est pourquoi le roi voulut, dès le début de la campagne, s’emparer de Mons et de Namur, qui couvrent la vallée de l’Oise. Ne pouvant emporter de front ce système imprenable, l’ennemi songea à le tourner par la Suisse. Les traités d’amitié conclus avec les cantons nous mirent encore à l’abri de ce côté-là.

L’Empire, l’Angleterre, la Hollande, la Savoie, l’Espagne : dans cette guerre, dite de la ligue d’Augsbourg, nous avions presque toute l’Europe contre nous. Le but des coalisés ? Annuler les agrandissements de Louis XIV, ramener la France aux limites des traités de Westphalie et des Pyrénées. Après quoi, ces traités eux-mêmes eussent été bien compromis. Malgré huit ans de campagnes où, de part et d’autre, on évita les grandes batailles décisives, la coalition (d’ailleurs souvent désunie, bien que Guillaume d’Orange en fût le chef) n’obtint pas le résultat qu’elle cherchait. Partout, sur terre, la France lui avait tenu tête. On ne s’était pas battu sur notre sol et nous avions été vainqueurs à Steenkerke et à Neerwinden, à Staffarde et à la Marsaille.

La guerre se serait terminée entièrement à notre avantage si, sur mer, nous n’avions eu le dessous. Pourtant les débuts de la campagne maritime avaient été brillants. La flotte puissante qu’avait laissée Colbert ne craignait pas les forces réunies des Anglo-Hollandais. Nous débarquions librement en Irlande pour y soutenir Jacques II et l’idée vint de débarquer en Angleterre même. Mais la difficulté pour la France était toujours de tenir l’Océan et la Méditerranée, le Ponant et le Levant. De plus, il y avait à Paris deux écoles, celle qui croyait à l’importance de la mer, celle qui ne croyait qu’aux victoires continentales. Après le désastre de la Hougue, les « continentaux » l’emportèrent sur les maritimes. Cette défaite navale n’était pas irrémédiable. Si elle ruinait l’espoir de réduire l’Angleterre en la menaçant jusque chez elle, notre marine n’était pas détruite. La confiance l’était. L’opinion publique cessa de s’intéresser aux choses de la mer. La dépense qu’exigeait l’entretien de puissantes escadres servit de prétexte. Colbert était mort, son œuvre ne fut pas poursuivie, et la décadence commença. De longtemps, nous n’aurons plus de forces navales capables de s’opposer aux Anglais à qui reviendra la maîtrise des mers.