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nos frontières. Des places trop avancées furent restituées à l’Espagne : Gand, Charleroi, Courtrai. Mais nous gardions Valenciennes, Cambrai, Saint-Omer, Maubeuge, soit la moitié de la Flandre, plus la Franche-Comté qui couvrait la France à l’est. La France prenait ainsi sa figure et ses dimensions modernes. D’autres dispositions du traité, subies par l’empereur, préparaient l’annexion du duché de Lorraine. D’autres encore, mettant à notre discrétion la rive gauche du Rhin, nous protégeaient, de ce côté vulnérable, contre les invasions. Tout cela était conforme à un système de prévoyance et de prudence auquel la postérité a bien mal rendu justice. On honore le nom de Vauban sans savoir que les conquêtes de Louis XIV, conquêtes de sûretés et de places fortes, ont été pour ainsi dire réglées par lui.

La ceinture de la France était à la fois élargie et mieux fermée : ce résultat avait été acquis grâce aux traités de Westphalie et des Pyrénées qui nous avaient affranchis de la pression allemande et de la pression espagnole, grâce encore, c’est un point sur lequel on ne saurait trop insister, aux circonstances soignées et exploitées par notre action diplomatique, qui avaient tenu l’Angleterre à l’écart. Si l’Angleterre s’était tournée contre nous un peu plus tôt, il n’est pas certain que notre entreprise de Flandre eût mieux réussi que sous les Valois. Mais nous approchons du moment où l’Angleterre s’opposera à la politique française, prendra la tête des coalitions et les rendra redoutables. Nous entrerons alors dans une période de difficultés et de périls, une sorte de nouvelle-guerre de Cent Ans, qui ne sera pas plus que l’autre une guerre de tous les jours, mais qui ne se terminera qu’au dix-neuvième siècle, à Waterloo.

Il y eut, en attendant, un répit pendant lequel l’État français, ayant en somme dicté ses conditions à Nimègue, parut dans toute sa puissance. Louis XIV en profita pour fermer encore quelques trouées, supprimer les enclaves gênantes et choquantes qui subsistaient au milieu de nos possessions nouvelles. La méthode adoptée fut de prononcer l’incorporation au royaume par des arrêts de justice fondés sur l’interprétation des traités existants et appuyés au besoin par des démonstrations militaires. C’est ainsi qu’il fut procédé en Franche-Comté, en