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étonnons plus que des pays de langue flamande soient incorporés à la France. C’est ainsi que nous avons gardé Hazebrouck et Cassel. Il s’agissait, dit Auguste Longnon, de « fermer le plat pays compris entre la mer et la Lys ». L’invasion de 1914, les batailles de Charleroi et de l’Yser nous rendent ces raisons plus sensibles. Le véritable conquérant, c’était donc le technicien Vauban qui désignait les lieux et les lignes d’où la France était plus facile à défendre. C’est par des tâtonnements, des expériences, après des résistances vaincues ou reconnues insurmontables que notre frontière du nord et du nord-est s’est fixée où elle est. Rien ne l’indiquait sur la carte des Pays-Bas espagnols, où ont été mêlées si longtemps nos villes du Nord et les cités belges d’aujourd’hui.

Quand le roi d’Espagne fut mort, les réformes de Colbert avaient porté leur fruit, la France avait des finances saines, une armée, les moyens de sa politique. Le moment était venu de passer à l’action extérieure et l’argument était tout prêt : la dot de Marie-Thérèse n’avait pas été payée. La renonciation subordonnée au paiement de cette dot était donc nulle et Louis XIV revendiqua l’héritage de son beau-père : toute cette procédure avait été réglée d’avance. Du point de vue militaire comme du point de vue diplomatique, l’affaire fut d’ailleurs longuement préparée, puisque, le roi d’Espagne étant mort en 1665, Turenne n’entra en campagne que deux ans plus tard. Elle fut menée ensuite avec une prudence extrême, au point qu’on s’étonna, au-dehors, du « défaut d’audace » des Français. Cependant l’Espagne était incapable de défendre ses provinces excentriques.

En 1667, notre armée entra en Flandre comme elle voulut, puis l’année suivante, en Franche-Comté, mais par une action si mesurée qu’on aurait cru que l’Espagne était encore redoutable. Il faut avouer que cette modération, destinée à n’inquiéter ni la Hollande ni l’Angleterre, ne servit de rien et c’est peut-être ce qui, par la suite, rendit Louis XIV moins ménager de l’opinion européenne. Turenne n’avait même pas osé pousser jusqu’à Bruxelles. Cependant, parce que nous avions pris quelques places flamandes, les Hollandais, jusque-là nos alliés, se crurent perdus et ameutèrent l’Europe contre le roi de France qu’ils accusaient d’aspirer à la « monarchie universelle ».