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contribuèrent à répandre en Europe notre langue et nos arts en même temps qu’une rancune que nos ennemis d’alors ne manquèrent pas d’exploiter. C’est plus tard seulement qu’en France même on en a fait grief à Louis XIV.

La condamnation de Fouquet, la révocation, telles furent les seules affaires intérieures du règne. Rien ne trouble donc l’œuvre magistrale d’organisation que Louis XIV entreprit avec ses ministres, mais sans varier de la règle qu’il s’était fixée, c’est-à-dire sans jamais déléguer le pouvoir à aucun d’eux, fussent-ils les plus grands. Colbert, disciple de Richelieu, formé par Mazarin, désigné par lui au Roi, eut la besogne de plusieurs des plus gros ministères, les finances, la marine, le commerce, l’agriculture, les travaux publics, les colonies. Pourtant il n’eut jamais le titre ni l’emploi de premier ministre, pas plus que Louvois, réorganisateur de l’armée.

Le duc de Saint-Simon s’est plaint de ce règne de vile bourgeoisie. Sous Louis XV, d’Argenson dira avec le même dédain : « satrapie de roture ». Les collaborateurs directs de Louis XIV sortaient en effet de la classe moyenne, en quoi ce règne ne se distingue pas des autres règnes capétiens. Il y eut seulement, dans la génération de 1660, un zèle, un enthousiasme, une ardeur au travail, un goût de tout ce qui était ordonné et grand qui se retrouve dans l’administration comme dans la littérature. L’idée était claire pour tous. La France avait un gouvernement ferme et stable. Elle avait la première place en Europe depuis que ni l’Allemagne divisée, ni l’Espagne vaincue, ni l’Angleterre affaiblie par ses révolutions ne la menaçaient plus. Cependant la France n’était pas achevée. Bien des choses lui manquaient encore : Lille, Strasbourg, Besançon, par exemple. C’était le moment d’acquérir nos frontières, de réaliser de très vieilles aspirations. Pour cela, il fallait que la France fût forte par elle-même et non seulement de la faiblesse des autres, faiblesse qui ne durerait pas toujours et à laquelle des coalitions remédieraient. Il fallait donner au pays les moyens qu’il n’avait pas, restaurer ce qui s’était englouti dans les désordres et les misères de la Fronde : des finances, de la richesse, une industrie, une marine, une armée, tout ce qui était tombé dans le délabrement. Quelques années de travail et de méthode suffirent à lui rendre des navires et des régiments, des ressources