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à dégoûter les autres. Après trois mois de ce gâchis, Paris, devenu plus sage, fut mûr pour le retour du jeune roi et Mazarin rentra lui-même en février de l’année suivante.

La France était tout endolorie de cette stupide aventure. D’une guerre civile, aggravée par la guerre étrangère et qui avait duré quatre ans, était sorti ce qu’un contemporain appelait « la ruine générale des peuples ». On a décrit « la misère au temps de la Fronde ». Misère telle que les missions de saint Vincent de Paul parcouraient le royaume pour porter secours aux affamés et aux malades. D’ailleurs, comme après la Ligue, le pays fut long à se remettre de la secousse. L’indiscipline ne disparut pas du jour au lendemain. Il fallut négocier et réprimer, payer les uns et punir les autres. Des provinces étaient en pleine anarchie, exploitées et tyrannisées par des brigands à prétentions féodales. Ce fut le cas de l’Auvergne où il fallut encore, dix ans plus tard, tenir des « grands jours » et faire des exemples par une procédure extraordinaire. Et quand on se demande comment l’État français a néanmoins résisté à cet ébranlement, on doit se souvenir que l’armée, en général, resta dans le devoir et que tout se serait dissous sans ces « quelques officiers inconnus de vieux régiments », dont parle M. Lavisse et dont « la ferme fidélité sauva le roi et la France ».

Sainte-Beuve a écrit, à propos d’une autre période troublée de notre histoire : « Nous nous imaginons toujours volontiers nos ancêtres comme en étant à l’enfance des doctrines et dans l’inexpérience des choses que nous avons vues ; mais ils en avaient vu eux-mêmes et en avaient présentes beaucoup d’autres que nous avons oubliées. » La Fronde fut une de ces leçons, leçon pour la nation française, leçon pour le roi qui se souvint toujours, dans sa puissance et dans sa gloire, des mauvais moments que la monarchie avait passés pendant son adolescence.

La Fronde vaincue, Mazarin rentré à Paris, l’ordre ne se rétablit pas comme par enchantement. L’ordre, la France y aspirait. Comment, par quelle forme de gouvernement se réaliserait-il ? On ne le voyait pas encore. Mais un point restait acquis et se dégageait de ces agitations, de ces campagnes de pamphlets et de presse, des paroles audacieuses du Parlement : l’opposition à Mazarin était née de l’opposition à Richelieu,