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ministre. Mazarin n’attendit pas l’arrêt : il s’enfuit de Paris et se réfugia chez notre allié l’électeur de Cologne, après avoir convenu avec la régente qu’il la conseillerait de loin en attendant son retour.

La situation était véritablement révolutionnaire. La reine Anne, ayant voulu à son tour quitter Paris, en fut empêchée par les Frondeurs. Les milices bourgeoises furent convoquées et elle ne les apaisa qu’en leur montrant le jeune roi endormi ou qui feignait de dormir : il n’oublia jamais ces scènes humiliantes. En somme, la famille royale était prisonnière, Beaufort, Gondi, la Grande Mademoiselle, tous les agités, les étourneaux et les doctrinaires de cette étrange révolution maîtres de Paris. Par bonheur, ce beau monde, uni à celui de la rue, ne tarda pas à se déchirer. Avant de prendre la fuite, Mazarin avait ouvert les portes de la prison de Condé, avec l’idée que cet orgueilleux ne s’entendrait pas longtemps avec les autres frondeurs. Mazarin avait vu juste. Monsieur le Prince mécontenta tout le monde. Son alliance avec l’Espagne devint un scandale et le Parlement, qui dénonçait en Mazarin l’étranger, ordonna que l’on courût sus à Condé, rebelle et traître et qui avait livré les places à l’ennemi. La circonstance, qu’il avait calculée, parut propice au cardinal pour rentrer en France : sur-le-champ, l’union se refit contre lui-même, et comme le jeune roi, dont la majorité avait été proclamée sur ces entrefaites, était à la poursuite de Condé, la Fronde régna sans obstacle à Paris. Lorsque l’armée royale, commandée par Turenne qui s’était soumis (car on passait avec facilité d’un camp dans l’autre), voulut rentrer dans la capitale, elle fut arrêtée à la porte Saint-Antoine et c’est là que Mademoiselle, du haut de la Bastille, tira le canon contre les troupes du roi.

On était en 1652, et ce fut pour l’État le moment le plus critique de la Fronde. Le roi était arrêté devant Paris, avec des provinces soulevées dans le dos. Un gouvernement de princes et de princesses du sang et de démagogues se formait : c’était le retour aux pires journées de la Ligue. Le bon sens, par l’organe d’un tiers parti, revint aussi pour les mêmes raisons. Les bourgeois parisiens ne tardèrent pas à sentir que ce désordre ne valait rien pour les affaires. Une émeute, accompagnée de tuerie et d’incendie à l’Hôtel-de-Ville, effraya les uns et commença