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le compte de la France une politique que la plupart des Français ne comprenaient même pas. Il eut le talent de plaire à Anne d’Autriche, au point qu’on a cru à leur mariage secret. Il lui inspira confiance, et, malgré les cabales, malgré une véritable révolution, elle ne l’abandonna jamais, pas plus que Louis XIII n’avait abandonné son ministre. C’est ainsi que cette régence troublée mena au terme l’œuvre de Richelieu. Sans doute il n’y avait plus qu’à récolter. Encore fallait-il ne pas arrêter en chemin l’entreprise nationale.

Sur tous les fronts, la guerre continuait, cette guerre qui, pour l’Allemagne, fut de trente ans. En 1643 une victoire éclatante à Rocroy, où la redoutable infanterie espagnole fut battue par Condé, donna aux Français un élan nouveau. L’Empire n’en pouvait plus. L’Espagne faiblissait. Le chef-d’œuvre de Richelieu avait été de retarder l’intervention, de ménager nos forces. La France, avec ses jeunes généraux, donnait à fond au moment où l’adversaire commençait à être las.

Dès le temps de Richelieu on avait parlé de la paix. L’année d’après Rocroy, des négociations commencèrent. Le lieu choisi pour la conférence était Munster, en Westphalie. Mais la paix n’était pas mûre. Quatre ans se passèrent encore avant qu’elle fût signée, sans que la guerre cessât. On négociait en combattant et Mazarin comprit que, pour obtenir un résultat, il fallait conduire les hostilités avec une nouvelle énergie. Les campagnes de Turenne en Allemagne, une éclatante victoire du grand Condé à Lens sur les Impériaux unis aux Espagnols décidèrent enfin l’Empereur à traiter. La paix de Westphalie fut signée en octobre 1648.

Cette paix, qui devait rester pendant un siècle et demi la charte de l’Europe, couronnait la politique de Richelieu. C’était le triomphe de la méthode qui consistait à achever la France en lui assurant la possession paisible de ses nouvelles acquisitions. Il ne suffisait pas d’ajouter l’Alsace au royaume. Il fallait encore que cette province ne fût pas reprise au premier jour par les Allemands. Il ne suffisait pas d’humilier la maison d’Autriche, de lui imposer une paix avantageuse pour nous. Il fallait encore, pour que cette paix fût respectée, pour que le résultat d’une lutte longue de plus d’un siècle ne fût pas remis en question, que l’Empire fût affaibli d’une façon durable et