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fut occupé et nous n’en sortirons plus. Envahie en 1636, la France, en 1642, avait avancé d’un large pas vers ses frontières historiques du Rhin et des Pyrénées. Rien n’était pourtant achevé, la guerre continuait du côté allemand et du côté espagnol, lorsque, cette année-là, le cardinal mourut. Cinq mois après Louis XIII le suivit dans la tombe. Ces deux hommes unis par la raison d’État, on peut dire par le service et non par l’affection, ne peuvent plus, pour l’histoire, être séparés.

Ce qu’ils avaient demandé à la France, pendant près de vingt ans, c’était un effort considérable de discipline, d’organisation, d’argent même. Richelieu, appuyé sur le roi, avait exercé une véritable dictature que le peuple français avait supportée impatiemment, mais sans laquelle l’œuvre nationale eût été impossible. Les grands n’étaient plus seuls à se révolter. Plus d’une fois les paysans se soulevèrent à cause des impôts, les bourgeois parce que la rente n’était plus payée. La grandeur du résultat à atteindre, la France au Rhin, la conquête des « frontières naturelles », la fin du péril allemand, l’abaissement des Habsbourg, c’étaient des idées propres à exalter des politiques. Comment la masse eût-elle renoncé joyeusement à ses commodités pour des fins aussi lointaines et qui dépassaient la portée des esprits ? Plus tard les Français ont eu un véritable culte pour la politique de Richelieu, devenue une tradition, un dogme national, respecté même par les révolutionnaires. De son vivant, les contemporains ne se disaient pas tous les jours qu’aucun sacrifice n’était de trop pour abattre la maison d’Autriche. À la vérité, la mort du grand cardinal fut ressentie comme un soulagement.

Pour la sécurité de la France, il fallait pourtant continuer sa politique et l’on retombait dans les faiblesses et les embarras d’une minorité. Un roi de cinq ans, une régente espagnole, un ministre italien : mauvaises conditions, semblait-il, mais corrigées par une chose importante. Richelieu laissait une doctrine d’État, et, pour la réaliser, une administration, une organisation, une armée aguerrie, des généraux expérimentés. Choisi, formé par Richelieu, Mazarin connaissait ses méthodes et il avait la souplesse qu’il fallait pour les appliquer dans des circonstances nouvelles. Cet étranger, cet Italien, avide d’argent et de profits, si prodigieusement détesté, a pourtant fait pour