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Suédois commencèrent à reculer. La ligue protestante fut battue à Nordlingue. La France devait s’en mêler ou abandonner l’Europe à la domination de la maison d’Autriche.

On était en 1635. Il y avait vingt-cinq ans que la France écartait la guerre. Cette fois, elle venait nous chercher et Richelieu dut s’y résoudre. Et l’on vit, comme au siècle précédent, quelle grande affaire c’était que de lutter contre la maison d’Autriche. Après quelques succès, dans les Pays-Bas, nos troupes furent débordées et l’ennemi pénétra en France. La prise de Corbie par les Espagnols en août 1636 rappela que notre pays était vulnérable et Paris dangereusement voisin de la frontière. Louis XIII et Richelieu restèrent dans la capitale, ce qui arrêta un commencement de panique et aussitôt il se produisit un de ces mouvements de patriotisme dont le peuple français est coutumier, mais qu’on avait cessé de voir pendant les guerres civiles. L’ « année de Corbie » a beaucoup frappé les contemporains. La France y donna en effet une preuve de solidité. Elle prit confiance en elle-même. C’est l’année du Cid, l’année où Richelieu fonde l’Académie française. L’annonce du siècle de Louis XIV est là.

Cependant l’ennemi était sur notre sol. Il fallut le chasser de Picardie et de Bourgogne avant que Richelieu pût se remettre à sa grande politique d’Allemagne. Surtout il était apparu que, contre les forces organisées dont la maison d’Autriche disposait, la France ne pouvait pas pratiquer cette politique sans avoir une armée et une marine. Richelieu travaillait sans relâche à les lui donner. Il fut un grand homme d’État non pas tant par ses calculs et ses desseins que par l’exacte appréciation des moyens nécessaires pour arriver au but et des rapports de la politique et de l’administration intérieures avec la politique extérieure. C’est ainsi qu’il finit par réussir dans une entreprise où la France se heurtait à plus fort qu’elle.

Des campagnes difficiles mais heureuses et marquées par la prise de Brisach et celle d’Arras, les succès de nos alliés protestants en Allemagne, la révolte des Catalans et des Portugais contre le gouvernement espagnol, circonstance dont sut profiter la politique de Richelieu : ces événements favorables à notre cause rétablirent peu à peu l’égalité des forces. Jusque chez lui, le roi d’Espagne reculait. C’est alors que le Roussillon