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l’Allemagne pour la dominer. La Bohême (les Tchèques d’aujourd’hui) avait commencé la résistance par la fameuse « défenestration » des représentants de l’Empereur au château de Prague. Elle avait pris pour roi l’électeur palatin, chef de l’Union évangélique, tandis que les Hongrois, de leur côté, se révoltaient. L’empereur Ferdinand se vit en danger, chercha secours au-dehors et s’adressa à la France qu’il sollicitait à la fois au nom des intérêts de la religion catholique et au nom de la solidarité des monarchies.

Le gouvernement français avait un parti à prendre et le choix était difficile. Venir en aide à la maison d’Autriche, c’était contraire aux intérêts et à la sécurité de la France. Appuyer les protestants d’Allemagne, c’était réveiller les méfiances des catholiques français, enhardir nos propres protestants qui s’agitaient dans le Midi. Le Conseil décida de n’intervenir que pour conseiller la paix à l’Union évangélique allemande. Il craignait en somme d’être entraîné dans un grand conflit de l’Europe centrale et s’efforçait de l’empêcher par le moyen ordinaire des médiations diplomatiques. Il est rare que ce moyen arrête les grands courants de l’histoire. Bientôt les Tchèques révoltés furent écrasés à la bataille de la Montagne-Blanche : ce fut pour l’Europe « le coup de tonnerre » que reproduira un jour la bataille de Sadowa. La puissance de l’Empereur était accrue par cette victoire qui atteignait indirectement la France. La maison d’Autriche redevenait dangereuse. Quelle que fût la prudence du gouvernement français, sa répugnance à la guerre, il finirait par être forcé d’intervenir.

Pour reprendre la politique nationale, pour se mêler activement aux grandes affaires européennes, il fallait qu’une condition fût remplie : la tranquillité à l’intérieur. Au moment où Luynes mourut, le Midi était toujours troublé par les calvinistes, et le roi en personne, venu pour prendre Montauban, avait dû en lever le siège. La France avait besoin d’un gouvernement ferme qui rétablît l’ordre au-dedans avant de passer à l’action extérieure. Il faudrait encore préparer cette action par des alliances. La marche circonspecte que suivit Richelieu justifie l’abstention de ses prédécesseurs.

Il n’obtient le pouvoir qu’en 1624 : Louis XIII avait peine à lui pardonner d’avoir été l’homme de Concini et d’être resté le