Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/444

Cette page n’a pas encore été corrigée

encouragées par le gouvernement, se fondèrent. L’esprit d’entreprise se ranima et nos Dieppois commencèrent nos colonies.

La France se reconstituait, elle reprenait des forces au moment où l’Europe avait besoin d’elle. Ce qui nous avait sauvés, pendant nos déchirements, c’était la rivalité de l’Angleterre et de l’Espagne, c’était la lutte des Pays-Bas contre leurs maîtres espagnols, c’était l’effacement de l’Empire germanique. Depuis que Charles Quint avait disparu, les Habsbourg de Vienne, tout en gardant la couronne impériale, n’avaient plus de pouvoir réel en Allemagne. L’indépendance des princes allemands, les progrès du protestantisme, le conflit des religions avaient divisé l’Allemagne et rendu inoffensifs les Habsbourg relégués au fond du Danube. Ils pouvaient toujours redevenir dangereux par leur alliance avec les Habsbourg de Madrid et le devoir de la politique française était de surveiller la maison d’Autriche. Aux premières années du dix-septième siècle, il était visible à bien des signes qu’elle se réveillait et se préparait à reconquérir son autorité en Allemagne en prenant la tête d’un mouvement catholique avec l’appui de Philippe III. Le danger était le même que sous Charles Quint. Henri IV le vit et il encouragea les princes protestants d’Allemagne à la résistance. Cette politique, si naturelle, était encore plus difficile qu’au temps d’Henri II, car Henri IV devait, plus qu’un autre, éviter de se rendre suspect de sympathies pour la cause de la Réforme. Ses intentions pouvaient trop aisément être travesties. Une politique extérieure purement française, mais dirigée par la force des choses contre une puissance catholique, ranimait les accusations et les soupçons des vieux ligueurs.

Il fallut pourtant prendre parti lorsque se présenta l’affaire de la succession de Juliers. En revendiquant cet héritage, la maison d’Autriche cherchait à s’installer sur la rive gauche du Rhin. De là, elle eût menacé et les Provinces-Unies des Pays-Bas, et la France qui ne pouvait se dispenser d’intervenir. La politique d’Henri IV fut celle de François Ier et d’Henri II : s’opposer à la domination d’une grande puissance, protéger l’indépendance des États moyens et petits. Dans son « grand dessein », Sully n’a laissé qu’une caricature de cette vue réaliste,