Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/440

Cette page n’a pas encore été corrigée

pas voulu d’un roi étranger ou d’un roi élu. Ses institutions étaient sorties intactes de la tempête. La restauration d’Henri IV, car ce fut, comme pour Charles VII, une restauration, consolidait la monarchie dont l’avenir, depuis cinquante ans, était devenu douteux.

Les talents politiques du roi, sa bonne humeur firent le reste. Il a plu à la France, mais sa plus grande qualité a été de lui rendre l’ordre et le repos. On lui passa, on trouva héroïque et charmant ce qu’on eût condamné chez d’autres, ses caprices, ses amours, et même des indélicatesses choquantes. Ni les contemporains, ni l’histoire n’ont eu de blâme très sévère pour Gabrielle d’Estrées et Henriette d’Entraigues, et l’on admire qu’il ait mérité ce nom de Vert-Galant. Ainsi, La Vallière, Montespan, Maintenon rayonnent de la gloire de Louis XIV tandis que Louis XV est flétri, et que les vertus de Louis XVI ne lui ont pas été un titre. C’est la politique qui fait les réputations.

À partir de l’abjuration, tout réussit à Henri IV parce que les Français étaient las de l’anarchie et de l’intervention étrangère et, selon son mot, « affamés de voir un roi ». Ne pouvant aller à Reims, encore aux mains des Guise, il fut sacré à Chartres. Il négociait avec le pape pour que son excommunication fût levée. Cependant, ses forces grandissant chaque jour, il menaçait de reprendre les hostilités contre ce qui restait de rebelles tout en leur laissant espérer de l’indulgence, et la Ligue, qui avait perdu sa raison d’être, commençait à se dissoudre. Le parti des politiques l’emportait presque partout. Le duc de Mayenne, jugeant la partie perdue, quitta Paris dont les ligueurs ralliés ouvrirent bientôt les portes à Henri IV. Le 22 mars 1594, le roi fit son entrée dans la ville, presque sans résistance. Le gouvernement de la Ligue s’évanouit, la garnison espagnole sortit librement et une large amnistie fut accordée à ceux qui s’étaient compromis jusqu’au bout.

Il ne faudrait pourtant pas croire que l’ordre et la tranquillité fussent revenus et les divisions effacées du jour au lendemain. Les esprits avaient été trop émus, la France trop secouée et l’on devine ce qu’un demi-siècle de guerre civile avait laissé d’anarchie. En l’absence d’autorité publique, une sorte de féodalité s’était reconstituée. C’est elle que Richelieu devra achever d’abattre. Henri IV, jusqu’au jour de son