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candidature de l’infante Isabelle, présentée par Philippe II, soutenue par le légat du pape, combattue en arrière par Mayenne, souleva de nombreuses objections. L’affaire traînait dans des débats sans fin, lorsque le Parlement, conservateur des lois fondamentales, prit une initiative. Par un arrêt retentissant qui fut porté et signifié à Mayenne, la cour suprême déclara que le royaume ne pouvait être occupé par des étrangers. L’intrigue espagnole, qui languissait, fut écrasée du coup.

Les événements conspiraient pour Henri IV et les intransigeants de la Ligue perdaient du terrain. Le sentiment national s’était réveillé et ce réveil profitait au droit royal. Depuis la fin d’avril, des conférences duraient à Suresnes entre ligueurs modérés et royalistes catholiques à la recherche d’une solution. Ce rapprochement était à lui seul un résultat considérable, d’autant plus que les négociateurs, se sentant soutenus par l’opinion publique, persistaient à garder le contact malgré les difficultés qui surgissaient. Henri IV avait espéré que sa promesse de conversion suffirait pour qu’il fût reconnu. Mais il devint évident qu’il fallait céder sur ce point pour réussir et qu’il devait se convertir d’abord. D’ailleurs, la conversion précédant la reconnaissance n’avait plus les inconvénients qu’elle présentait avant les états généraux. Le désir de paix, le besoin d’un gouvernement régulier étaient devenus tels que le roi ne risquait plus, comme il l’eût risqué quelques mois plus tôt, de se convertir pour rien. Dès qu’il serait catholique, le mouvement en sa faveur serait irrésistible. Mais il fallait qu’il fût catholique pour entraîner le mouvement.

C’est en effet ce qui se passa. Le 25 juillet 1593, Henri IV abjura en l’église Saint-Denis, à deux pas de Paris où la Ligue résista encore huit mois, sans espoir. Du moins son obstination prouvait-elle la puissance de l’idée d’où elle était sortie : quinze ans plus tard c’est encore sa passion qui armera Ravaillac. Dans sa défaite, la Ligue restait victorieuse : elle avait arraché l’État au protestantisme. Elle avait détruit la chance qu’avait eue un moment la cause calviniste, la chance qui avait voulu que le légitime héritier de la couronne fût un protestant. Mais ce que la Ligue avait méconnu, c’est-à-dire le caractère héréditaire et national de la monarchie, prenait aussi sa revanche. La France n’avait pas voulu d’un roi hérétique, mais elle n’avait