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En 1571, Catherine écrivait, avec la joie d’un grand succès : « Nous avons ici l’amiral à Blois. » Coligny à la cour, c’était un renversement complet de la situation. Le chef des rebelles, qui avait, quelques mois plus tôt, presque assiégé Paris, brûlé un de ses faubourgs, entra dans la ville à la droite du roi. Il devenait son conseiller. Il fit avec lui des plans de politique extérieure fondés sur une alliance avec le prince d’Orange contre Philippe II. On se réconcilia même avec la reine d’Angleterre, qui tenait pourtant Marie Stuart en prison. Un mariage entre Élisabeth et le duc d’Anjou ou, à son défaut, le duc d’Alençon, fut ébauché. Coligny rendit ses places de sûreté en témoignage que les calvinistes avaient cessé d’être les ennemis de l’État et il envoya ses bandes en avant pour délivrer les Pays-Bas des Espagnols. La « guerre d’Espagne » devait rallier tous les « bons Français », et la conquête de la Flandre détourner la nation de la guerre civile.

Par un brusque revirement, la politique de la France devenait protestante et Coligny avait manqué de mesure. Un grand et rapide succès de la diversion qu’il avait conçue eût peut-être tout entraîné. Mais ses calculs étaient chimériques. Une entreprise de la France aux Pays-Bas inquiétait l’Angleterre et l’Allemagne. L’Espagne de Philippe II était puissante et l’on ne savait jusqu’où une guerre avec elle pouvait mener. Les esprits politiques s’alarmaient des dangers de cette entreprise et ils sentaient la population catholique s’énerver de la faveur et de l’autorité croissante des protestants. Surtout, le mariage de Marguerite de Valois et d’Henri de Bourbon, le premier « mariage mixte » et sans dispense du pape, faisait scandale. On prêchait dans Paris contre les fiançailles. Charles IX, pour qui cette union était le point capital de sa politique, persévéra. Il força même le consentement de sa sœur. À Notre-Dame elle hésitait encore, et l’on raconte que le roi, d’un geste brusque, la força d’incliner la tête pour dire oui.

C’est dans ce mariage, pourtant destiné à être le symbole de la réconciliation des Français, qu’est l’origine de la Saint-Barthélemy. La vendetta des Guise contre Coligny ne suffit pas à expliquer cette explosion de fureur. Il est vraisemblable qu’un premier attentat dirigé contre Coligny, qui fut seulement blessé, fut inspiré par Henri de Guise en représailles du meurtre