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Mais les Guise ne livraient rien au hasard. Leur plan était de frapper tout de suite un grand coup et de placer les députés devant un fait accompli. Les États convoqués à Orléans, le roi de Navarre et Condé furent invités à s’y rendre. S’ils refusaient, ils s’avouaient coupables et se mettaient hors la loi. S’ils venaient avec des troupes, ils trahissaient une mauvaise conscience. S’ils venaient seuls, ils se livraient à leurs adversaires. C’est ce qui eut lieu. Le roi de Navarre, que son irrésolution rendait inoffensif, fut intimidé par un accueil glacial et une étroite surveillance. Quant à Condé, sommé par le roi d’expliquer sa conduite, il répondit qu’il était calomnié par les Guise. Arrêté, jugé, il fut condamné pour trahison. Les Guise avaient obtenu ce qu’ils voulaient. En frappant les princes de Bourbon, ils avaient frappé le parti protestant à la tête.

La mort de François II, dans la même année 1560, atteignit les Guise au milieu de ce succès. Cette mort changeait tout, car le nouveau roi, Charles IX, étant mineur, la reine mère et L’Hospital prenaient la haute main. On peut croire que, dès ce moment, l’idée d’un changement de dynastie hanta les Guise, comme elle était dans l’esprit des protestants. Et du changement de dynastie à la suppression du régime monarchique, il n’y a qu’un pas. Un état d’esprit révolutionnaire se répandait.

Apaisement, réconciliation : c’était le programme de Catherine et de L’Hospital. Programme chimérique : les positions étaient trop nettes, les passions trop brûlantes. L’habileté de l’Italienne, le libéralisme du chancelier réussirent quelque temps à écarter les questions qui irritaient, les questions de personnes d’abord. Mais il n’était pas possible d’être si impartial que la balance ne penchât de quelque côté. Les Guise écartés du pouvoir, le roi de Navarre au conseil, Condé gracié, l’amnistie pour les calvinistes : la balance penchait du côté des protestants qui s’enhardirent, tandis que les catholiques s’alarmaient. L’Hospital s’était trompé sur la nature du problème, ou plutôt il ne l’avait pas vue. Il n’avait pas distingué ce que Sainte-Beuve appelle « l’esprit républicain primitif des Églises réformées et leur dessein exprès de former un État dans l’État ». L’Hospital ne crut pas seulement contenter les calvinistes par des concessions et des édits de tolérance. Ne distinguant pas le cours des événements, il affaiblit l’État au